C'est un artiste complet, au sommet de son art, que les spectateurs du Théâtre St-Denis ont ovationné, ce jeudi soir à Montréal, alors qu'Anthony Kavanagh y a livré un spectacle particulièrement éblouissant, généreux, drôle et prodigieusement diversifié.

Avec le déchirement géographique, Anthony Kavanagh partage sans nul doute un autre point commun avec Stéphane Rousseau: l'éclectisme. Car sur scène, le natif de Greenfield Park sait désormais tout faire.

Danser, mimer, chanter, improviser. En digne héritier de Michel Courtemanche, il sait aussi faire de vraies grimaces de bande dessinée, déclinant tous les faciès possibles de loups-garous!

Dans Anthony Kavanagh joue à domicile, il raconte merveilleusement, se glissant sans mal dans la peau de personnages comme sortis de dessins animés. Comédien, il interprète un grand nombre de rôles, puisant dans une vaste et riche panoplie de bruitages et imitant des accents à la perfection.

Il a ainsi débuté ce spectacle touche-à-tout en reprenant deux-trois anciennes mimiques qui avaient fait sa renommée... au siècle dernier! Un retour en arrière qui a permis, 1h40 plus tard, de mesurer le chemin parcouru par l'humoriste qui fait aujourd'hui le bonheur des Français et d'admirateurs francophones sur tous les continents.

Mais il sait d'où il vient Anthony Kavanagh, et il n'a pas manqué de rappeler son attachement à la terre du Québec et aux valeurs qui en font sa richesse. Tout en parsemant ses indirectes déclarations d'amour de mots d'esprit pour éviter d'être pris en flagrant délit de romantisme laurentien.

«Au Québec un humoriste peut parler librement... sauf s'il fait un spectacle devant les étudiants!» a-t-il raillé.

Avec son numéro de L'embourbé, il a évoqué les différences, tirant dans tous les sens pour nous parler finalement de tolérance et de la nécessité du partage.

«J'ai rien contre les Arabes, j'adore le Moyen-Åge», a-t-il glissé.

Moment touchant quand l'humoriste, qui a eu 43 ans mercredi, aborde la paternité et présente brièvement (de façon exceptionnelle) son jeune fils Mathis sur scène. «Il crie, il pleure... il est à vendre!», avant d'ajouter « Avec mon fils, je vois le temps passer.» Sereinement mature, Anthony.

Dans Papa je suis gay, il parle avec doigté d'homosexualité, encore tabou chez bien des Haïtiens d'origine et d'autres Québécois, mais il célébrera plus tard la grande ouverture d'esprit de la province.

Puis, il fait état du fait qu'il est devenu un petit peu Français, réclamant en passant... plus d'ouverture aux Québécois de souche: «Je sais qu'au Québec, être Français c'est pire qu'être gay...» Inédite et bienvenue cette réflexion à ranger aussi dans la colonne Tabous et autres non-dits.

Mais s'il sait être subtil, il connaît aussi les vacheries: «Pauline Marois a été se faire soigner en Inde mais ils ont refusé de la toucher car là-bas elle est sacrée!»

Parenthèse politique avec son numéro sur la gauche et la droite, intéressant quand il explique que les Québécois sont plutôt indécis sur la question, mais c'est peut-être le moins solide de la soirée. Très bon passage par contre sur le racisme avec cette description savoureuse d'un propriétaire qui ne veut louer son appartement qu'à un blanc chrétien sans l'avouer carrément.

Puis, avec Le conte explosif, il raconte une version trash de Cendrillon à son fils pour l'endormir, histoire où le nain Bullshit parle avec la même voix que Jean Charest.

Dans Les séries TV, il joue un médecin qui fait enfermer Françoise David avec François Legault: « S'ils font des enfants ensemble, noyez-les!» Ouep, facile.

Elles ne sont pas toujours raffinées ses anecdotes, mais on est tellement charmé par la façon dont il les conte que l'irrévérence passe facilement car la quête de sens n'est jamais loin.

Il termine d'ailleurs son show par un numéro sur la relativité des choses. L'humoriste veut sceller sa présentation de l'empreinte des ans. Et c'est réussi. «Tout est question de point de vue dans la vie» dit-il, avant d'illustrer son propos avec une sortie en boîte de nuit vue par un gars puis par sa blonde d'un soir. Des versions pas mal différentes...

Bien écrit ce spectacle. On sent la patte de Sylvain Larocque à la script-édition. Et la mise en scène de Réal Béland (sa première pour un autre humoriste) est une réussite. Avec des couleurs adaptées en fond de scène, une musique d'accompagnement bien dosée et des habillages sonores et de lumière très bien faits.

Avant que le Théâtre St-Denis ne se transforme en discothèque, Anthony chantant Purple Rain et dansant avec une partie du public, l'humoriste a lancé: «Comme je dis tous les soirs à ma femme, Montréal, tout le plaisir est pour moi». Pas seulement pour vous, monsieur Kavanagh.

Anthony Kavanagh joue à domicile

Ce vendredi et le 22 mars au Théâtre St-Denis