Dorothy Rhau a réussi son pari. Recto verso, son premier one woman show présenté vendredi soir au Petit Medley, est une belle réussite et l'installe dans une tradition humoristique peu empruntée, celui de la raconteuse d'histoires à l'ancienne.

La salle du Petit Medley était bourrée à craquer vendredi soir pour assister à l'entrée officielle de Dorothy Rhau dans la cour des grands. Bien des spectateurs ont dû voir le spectacle debout ou assis tout au bord de la scène, ce qui rendait finalement l'atmosphère très intime.

Cette intimité avec les spectateurs, c'est la marque de commerce de Dorothy Rhau, une humoriste qui fait revivre les traditions du conte au coin du feu. Elle est arrivée sur scène en Mémère Radote, une grand-mère qui n'a pas sa langue dans sa poche, loin de là. Assise sur sa chaise avec son chapeau de paille, sa robe blanche entourée d'une large ceinture rouge, son panier d'osier et sa cuiller en bois, Mémère Radote est tout de suite attachante avec son naturel et cet air pince-sans-rire de raconter des histoires qui feraient dresser les cheveux sur la tête si cela était dit par quelqu'un d'autre.

Avec Mémère Radote, les blagues les plus salaces passent sans problème, car quand elle parle de sexualité, de désir ou de toilette féminine, elle le fait comme toutes les grands-mères, sans vulgarité et en utilisant des images coquines pour éviter de choquer.

Dorothy Rhau joue ce personnage de si belle façon que la délicatesse qu'elle déploie en devient comique et charmante à la fois. C'est une de ses grandes forces : un humour subtil au-delà du premier degré.

Mais il y autre chose d'intéressant dans le personnage de Mémère Radote : son identité haïtienne.  Dorothy Rhau nous plonge en effet dans une immersion totale dans la culture haïtienne, évoquant notamment le vaudou qui, s'il avait vraiment des effets bénéfiques, aurait «depuis longtemps transformé le quartier Saint-Michel en Westmount !»

D'ailleurs, Dorothy Rhau n'a parlé d'actualité qu'à une seule reprise, quand elle est revenue sur les élections au Québec. Mais le point de vue de Mémère Radote sur Jean Charest ou Pauline Marois n'avait pas grand intérêt comparé à ses histoires que l'on aurait écoutées toute la nuit.

Après l'entracte, durant laquelle les spectateurs ont pu déguster gratuitement des spécialités haïtiennes, c'est la jeune Dorothy Rhau qui est revenue, toute en coiffure et sexy dans sa robe rouge sang. Elle a parlé des relations homme-femme mais aussi de la laideur et de l'obsession chez certaines femmes de tout faire pour paraître belles... notamment de bronzer le plus possible quand elles sont blanches et de blanchir quand elles sont noires!

«Quand l'eau de Javel est à 99 cents, on débarque tous chez Jean Coutu, a-t-elle lancé. La beauté, c'est comme la laideur, elle est souvent à l'intérieur ...»

Bon passage de son show quand elle a parlé de l'usage chez des parents haïtiens de corriger physiquement leurs enfants, expliquant que sa mère et sa grand-mère lui donnaient de solides coups de ceinture. « On ne nous disait pas qu'on serait privés de dessert ou qu'on resterait dans notre chambre. Et pourtant, on n'appelait jamais la DPJ. De toute façon, on ne connaissait pas le numéro! Aujourd'hui, je suis maman, j'ai rompu la tradition, car ça doit cesser. Il y a d'autres méthodes...»

Même si on en perd parfois des bouts, à cause des expressions en créole, on reste suspendu aux mots de Dorothy Rhau pendant toute la durée du spectacle. L'humoriste sait raconter, sait captiver et parvient à nous faire réfléchir sur des thèmes sociaux qui concernent les noirs comme les blancs. Et toujours en nous faisant rire généreusement. Chapeau Mme Rhau! Une grande raconteuse est née.