En tapant des mains en souriant, au rythme de l'irrésistible Be Our Guest, thème musical qui conclut le premier acte de la comédie musicale Beauty and the Beast, les spectateurs enclins à l'ironie (dont fait partie l'auteure de ces lignes) se référeront peut-être au célèbre Keep it light, keep it bright, keep it gay, hymne parodique à une esthétique kitsch qui règne sur Broadway.

La production de Beauty and the Beast qui a élu domicile jusqu'au 29 avril sur la scène de la salle Wilfrid-Pelletier est une version signée Disney du célèbre conte de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont. Dans un décor construit comme un livre de conte en «pop up», l'imposante distribution qui met en vedette Emily Behny (dans les robes pastels de Belle) et Carter Lynch (en Bête frustre et mal léchée), livre une version allégée d'une fable sur l'opposition entre beauté extérieure et les qualités du coeur.

Avant de poursuivre, évoquons un problème récurrent qui a certainement nui à notre appréciation de ce spectacle: l'acoustique difficile de la salle Wilfrid-Pelletier. Dans le cas de Beauty and the Beast, ce handicap est d'autant plus gênant puisque l'intrigue réside dans une proportion dominante de dialogues parlés. Puisque les Mrs. Potts, Lefou, Lumiere, Madame de la Grande Bouche et autres excentriques interlocuteurs de Belle s'expriment dans des accents caricaturaux, on en perd parfois notre anglais (et des grands bouts d'histoire.) Parents, soyez avertis: cette pièce de 2 h 30 (avec entracte) ne comporte pas suffisamment d'éléments musicaux ou autres diversions pour happer l'attention des enfants qui ne possèdent pas une maîtrise parfaite de l'anglais.

La pièce s'appuie beaucoup sur l'usage d'un humour «Disney» bon enfant et séduisant qui, au final, masque la profondeur d'un récit vieux de plus de 250 ans qui a traversé les âges et conserve aujourd'hui, plus que jamais, sa pertinence. Malgré ce choix vers ce qui brille et fait rigoler, les personnages évoluent de façon (trop) statique dans des scènes parfois interminables.

Mais malgré tout émergent quelques bons moments. Moins lourd, mieux condensé et rythmé, le second acte nous permet de mieux s'ancrer dans le coeur de ce récit qui se déploie alors réellement. Belle devra aimer la Bête, pour que cette dernière soit libérée du mauvais sort qui avait également transformé les résidents du palais en créatures fantaisistes.



S'il est établi dès les débuts du premier acte que Belle n'est pas qu'un autre joli minois, parce qu'elle aime la lecture, est loyale à son père et surtout refuse d'épouser le narcissique bellâtre du village, l'intelligence de ce personnage ne triomphe pas vraiment de l'excès de kitsch qui, au final, est le personnage principal de cette comédie musicale. Et, lorsqu'en conclusion survient ce que l'on attendait depuis le début - la transformation de la Bête qui est rendu beau par l'amour de la belle - l'événement s'apparente davantage à la fin d'une émission de «makeover» qu'à un instant de transcendance.

Peut-être que la sincérité ou, à tout le moins, un certain respect de l'âme d'un conte sont des demandes beaucoup trop exigeantes. Reste qu'il vaut mieux être prévenu: en cherchant à recréer sur la scène l'esprit d'un dessin animé, ce Beauty and the Beast s'égare et finit par trahir sa fable morale. Et c'est un peu dommage.

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Beauty and the Beast, jusqu'au 29 avril à la salle Wilfrid-Pelletier.