Il est toujours troublant de voir quelqu'un passer du rire aux larmes, surtout lorsqu'il s'agit d'un comique. Mercredi soir, après avoir fait crouler de rire pendant deux heures les 2000 spectateurs de l'Olympia de Paris, Anthony Kavanagh, au moment de remercier les Français de l'avoir adopté, s'est laissé gagner par l'émotion.

Le Québécois donnait mercredi soir le premier d'une série de cinq spectacles à guichet fermé dans la célèbre salle du boulevard des Capucines. Il y reprend son Anthony Kavanagh fait son coming out, qui fait la part belle à la naissance de son fils, aujourd'hui âgé de deux ans, et à son rôle de père. Kavanagh s'y était produit une première fois à la fin de 1999, dans la foulée de son premier succès au petit théâtre du Trévisse.

«Aujourd'hui, je peux le dire. À l'époque, je m'étais donné un an pour faire l'Olympia. Ça m'avait pris 51 semaines! J'y avais fêté mes 30 ans. Ça avait été le plus beau jour de ma vie. Tous ces souvenirs sont remontés», a-t-il confié dans sa loge, quelques minutes après être sorti de scène.

Douze ans plus tard sur les planches du même Olympia, le show-man de 42 ans, ému, a pris la mesure du chemin parcouru. Mais il y autre chose : avec cet Olympia, avec le succès de son «coming out», Kavanagh a définitivement tourné la page sur le passage à vide qu'il a connu entre 2006 et 2009, après l'échec de son spectacle «Les Démons de l'arkange» et ses démêlés avec un producteur véreux qui l'a escroqué.

«J'étais écoeuré. Ça m'a pris deux ans et demi et deux spectacles (anthonykavanagh.com et Ouate Else!) pour remonter la pente», explique un Kavanagh détendu, souriant et aminci.

Plus encore, avec «son coming out», Kavanagh termine son implantation, ou plus précisément sa «transplantation» française. Kavanagh est le seul humoriste québécois qui ait fait une telle carrière en France. La greffe a prise, il est ici chez lui, même s'il n'a pas la nationalité française, et sent qu'il peut pousser plus loin les limites de son humour.

«Avant, j'étais un invité. Quand on est invité, on ne commence pas à tout critiquer. Là, je sais que j'ai la légitimité pour le faire», dit-il.

Le Québécois ne s'en prive pas, se moquant des petits et des gros travers des Français, égratignant au passage un monument comme Johnny Hallyday, dont il moque le présumé penchant pour l'alcool. Il s'offre même le luxe d'imiter (très bien d'ailleurs) le président Sarkozy, ce qu'il ne se serait pas permis naguère. Rien n'échappe de toute façon à son humour grinçant. Ni les Français racistes, les arabes, les asiatiques, les noirs, les gays, les handicapés... Pour tout dire, c'est plutôt très drôle, et mené à un train d'enfer.

Avec «son coming out», Anthony Kavanagh, habitué depuis 13 ans des grandes salles de la France, de la Suisse et de la Belgique, remporte incontestablement son plus beau succès. Créé à Paris à l'automne 2010 (deux mois et demi à Bobino), le one-man-show a été joué depuis à 150 reprises environ en France et en Europe francophone. Pour l'Olympia (qui sortira en dvd), les 9000 places se sont envolées en quelques jours.

Après ses représentations parisiennes, Kavanagh reprendra une route qui le mènera aux quatre coins de la France puis l'automne prochain au Québec, puis de nouveau en Europe francophone, mais aussi en Guadeloupe, au Maroc, à la Réunion, à Tahiti... Il pourrait ensuite - «c'est en projet » - tourner dans les «circuits francophones à Londres, Dublin, New York, Los Angeles, San Francisco».

Devant lui, Kavanagh a encore «100 ou 150 représentations» à donner, de quoi l'occuper encore un moment.