À l'extérieur, une file d'attente s'impatiente. Il y a les habitués du Point Virgule, fidèles à la grand-messe du rire format poche, les curieux venus assister à «un spectacle avec des mots anciens, qui n'ont plus cours qu'au Québec», et les compatriotes exilés qui connaissent bien le succès de Louis-José Houde.

Au lendemain de la première d'une série de 52 représentations, l'humoriste québécois s'apprête à jouer devant une salle comble: 110 personnes, déjà pliées en quatre par la force des choses, se serrent les coudes.

Car, à l'intérieur, «plus on est serrés, mieux c'est!», harangue la placeuse. Gare à celui qui osera poser son manteau sur les bancs au confort monacal. Ici, chaque centimètre compte. Chaque minute aussi. Boîte à sardines du rire, le célèbre café-théâtre parisien, situé au coeur du Marais, présente selon sa tradition des spectacles qui ne durent qu'une heure, question de roulement.

À 21h15, le one man show prend son envol. Louis-José Houde veut nous faire croire qu'il vient d'Aix-en-Provence. Pendant une heure, il sillonnera les frontières du Québec, de la France et du Sud, slalomant entre les expressions vernaculaires tant appréciées - du cadran au réveille-matin, de l'oeil magique au judas - ,les néologismes «houdesques» et les anecdotes personnelles, cru 2012. Sur son expérience «rentabilisée» de moniteur de vacances, sur les photos de famille ingrates ou encore les fantômes encombrants d'un célibat à 34 ans.

Accoudé au genou d'une spectatrice, l'humoriste semble avoir trouvé sa place et ses repères, rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie. Après deux essais concluants de 15 jours, en février et avril 2011, il a décroché un contrat de trois mois avec le producteur Jean-Marc Dumontet, patron du Point Virgule et, depuis peu, propriétaire des Folies Bergère.

»Un plaisir de jouer et de vivre ici»

Le débit fonceur et le verbe coloré, Louis-José Houde dégaine blagues et jeux de mots à une telle cadence en passant du coq à l'âne que l'on oubliera facilement les accrocs inhérents aux premières représentations. Avec la volonté ferme de «faire des blagues comme chez nous», sans se «dénaturer», tout en naviguant en zone compréhensible pour une oreille française. On apprendra que l'on peut ronfler selon son accent et marcher avec des coups de soleil derrière les genoux.

Après le spectacle, il reçoit à la terrasse d'un bistrot adjacent, savourant dans la quiétude de l'anonymat les heures d'ouverture tardives du quartier. Il est minuit, Paris s'éveille.

«C'est un plaisir de jouer et de vivre ici», reconnaît l'artiste rompu aux salles de milliers de personnes. J'expérimente beaucoup, ce qui n'est pas toujours évident, car la réaction du public est immédiate et intransigeante au Point Virgule. Chaque soir, je m'enregistre et je peaufine le lendemain avec du nouveau matériel ou en reprenant d'anciens sketches.» Les meilleures trouvailles plieront bagage, direction Québec, où l'acteur commencera le rodage d'un nouveau spectacle, en juillet, à Gatineau.