Après avoir présenté 450 fois son troisième spectacle, Claudine Mercier a pris une pause en 2007. Pour voyager, se ressourcer, peindre et s'occuper de sa mère, qui a quitté ce monde en mai dernier. À 10 jours de la première de son quatrième show, Dans le champ, l'humoriste a ouvert sa porte à La Presse pour faire le point sur sa vie au seuil de la cinquantaine.

Dans sa maison blottie contre un grand chêne, au bord du parc du Mont-Saint-Bruno, Claudine Mercier nous accueille avec gentillesse, simplicité et humour.

On a beau l'avoir perdue de vue depuis quatre ans, l'humoriste au sourire contagieux est toujours aussi attachante et arbore une sérénité léguée par les années, les lectures, les rencontres et... les soucis.

Elle en a eu quelques-uns depuis quatre ans, des soucis. À commencer par le vide qui se fait lorsque le dernier spectateur quitte la salle le soir du dernier spectacle.

«Quand tu te sépares de ton show, une grosse insécurité apparaît, dit-elle. Mais ça fait du bien de mettre fin à la discipline des vocalises, de ne plus faire attention aux courants d'air et à l'air conditionné pour la voix, et de prendre du recul.»

Claudine Mercier a trouvé le repos nécessaire dans cette maison où elle pratique ses imitations devant un miroir et peint, une passion qu'elle a depuis toujours.

Une peinture à son image

Nous avons visité son atelier rempli de cadres, de pots et de pinceaux, tous bien rangés. Elle y crée de grands tableaux abstraits, certains doux et évanescents, d'autres fougueux et colorés. À son image.

« Avec la peinture, tu mets ton cerveau à off, dit-elle. Ce n'est pas le résultat que je trouve passionnant, c'est le chemin pour y parvenir et ce que ça fait en dedans. Tu entres dans un autre monde. Si je n'avais pas eu la créativité dans ma vie, je ne sais pas ce que j'aurais fait. »

Pour s'oxygéner les méninges autant que les poumons, elle est allée, avec son chum Richard, sa soeur et son beau-frère, user ses semelles sur le fameux chemin de Compostelle, en Espagne. Comme l'humoriste Stéphane Rousseau avec qui elle a beaucoup en commun.

«Comme moi, il imite, chante, danse et peint. Je n'ai pas d'aussi beaux pectoraux, mais comme lui, j'aime ça faire plein d'affaires ! Compostelle, j'ai trouvé ça super dur. Et je n'ai même pas perdu de poids. J'étais insultée!»

Claudine Mercier n'a pourtant pas besoin de perdre des kilos. À quelques semaines de son cinquantième anniversaire de naissance, elle a toujours la même silhouette. « Je sais que je ne suis pas grosse, mais j'ai toujours eu sept ou huit livres à perdre. C'est ça qu'on pèse à la naissance et on dirait qu'on traîne ça toute notre vie ! »

Dans le champ

Dans ses spectacles précédents, elle travaillait avec Daniel Thibault pour l'écriture et la mise en scène. Comme il est à temps plein sur l'émission Mirador, elle a choisi Daniel Fortin, metteur en scène de Mike Ward s'eXpose.

«C'est tellement un génie de la simplicité et j'ai tellement aimé le show de Mike Ward que j'ai choisi Daniel et une mise en scène qui laisse ressortir la performance. Ça allait bien avec ma remise en question de la cinquantaine.»

Le titre de son nouveau spectacle est aussi né d'une réflexion de Daniel Fortin.

«Avec mon sourire, il a créé un champ de fleurs, les claudines ! Comme je disais que j'étais tout le temps dans le champ, c'est devenu le titre. Ça colle avec mes lectures depuis quatre ans. Mal de Terre, d'Hubert Reeves, la consommation, le suremballage, les producteurs agricoles indépendants, les vaches qui n'ont plus de vie sexuelle, les farines animales dans les poulets, etc. My god que ça va mal ! On est vraiment dans le champ!»

Consciente de la nécessité de protéger l'environnement (sa tournée a été certifiée carbone zéro) et de l'importance de bien se nourrir, elle évoque dans son spectacle ses préoccupations tout en faisant rire.

Elle chante aussi un peu d'opéra, fait deux séries d'imitations et reprend ses personnages fétiches comme la petite fille, la Barbie et... Lise Watier, sans trop s'attarder sur la parfumeuse qui a peu apprécié ses blagues lors du troisième show.

Mais les deux femmes se sont parlé et tout est rentré dans l'ordre.

«Aujourd'hui, imiter quelqu'un est délicat dès qu'il y a une marque. Ce que RBO faisait à une certaine époque, oublie ça aujourd'hui!» Elle ajoute qu'en vieillissant, elle a plus de difficulté à être bitch, comme elle dit l'avoir été avec Nanette Workman ou France d'Amour.

«Pour ce show, je refais Shakira, Ginette et Céline, mais d'une façon différente. Dans les nouvelles, il y a Coeur de pirate, Marie-Mai, Lady Gaga, Brigitte Boisjoli, Carla Bruni, Marie-Jo Thério, Ima, Barbra Streisand et Marie-Chantal Toupin. J'avais aussi Amy Winehouse, mais vu qu'elle est décédée, c'est un peu gênant de rire d'elle.»

Mis à part son numéro sur Lady Gaga, pour lequel elle a créé un costume, les imitations sont sobres. «Je vais avoir 50 ans et c'est mêlant. Je me suis toujours vue jeune dans ma tête. Cinquante ans: on dirait que tu y réfléchis plus. Ton corps change. Tu n'es plus fertile. C'est comme ça que j'ai abordé le spectacle.»

Vieillir

Elle parle donc du vieillissement dans ce nouveau spectacle. «Mon chum est à l'étape de la retraite. Inconsciemment, ça t'influence et ça te fait réfléchir sur l'âge», dit-elle avant que ses yeux s'embuent soudain de larmes...

La mère de Claudine, qui souffrait de la maladie d'Alzheimer, s'est éteinte en mai. Évoquer cette perte est encore très douloureux pour elle. «J'étais proche de ma mère et ça a duré longtemps, l'alzheimer, dit-elle doucement. Un bon dix ans. C'était vraiment dur. Ça te fait beaucoup réfléchir sur la vieillesse. En même temps, je trouve qu'il y a quelque chose de beau à vieillir. Quand tu vois des artistes comme Jean-Pierre Ferland sur scène ou n'importe quelle personne qui continue d'être créative, c'est très inspirant.»

Humoriste à la fois déterminée et sensible, Claudine Mercier n'a pas hâte de faire sa première le 19 octobre. À chaque show, elle a toujours le même trac.

«Plus t'avances dans le métier et plus c'est épeurant. Ta banque de créativité, à un moment donné, se vide. Et puis, ça me stresse beaucoup, la première. Il ne faut pas que j'y pense. Pour mon deuxième show, j'étais tellement sur les nerfs le soir de la première que je n'étais même pas capable de respirer. À l'entracte, mon prof de chant m'avait dit "Mais respire, respire !"»

Le rodage de Dans le champ la rassure toutefois. «Ça fonctionne bien. À Saint-Sauveur et Saint-Hyacinthe, c'était vraiment génial. Le rire partait comme une vague depuis le fond de la salle. My god, c'était un bon feeling. Je ne me souvenais pas que c'était l'fun de même!»

Dans le champ, de Claudine Mercier, les 18, 21 et 22 octobre au Théâtre St-Denis 1.