Porte-parole de la Société de recherche sur le cancer, l'humoriste Stéphane Rousseau termine demain sa marche de 13 jours sur un des chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle, en Espagne, avec 19 participants du Québec. La Presse a fait un bout de ce chemin qui représente autant un exercice physique exigeant qu'une expérience collective conviviale et une aventure intérieure.

Le 21 août, Stéphane Rousseau a quitté Montréal pour aller marcher sur le Camino francès, entre León et Santiago de Compostella, un tronçon espagnol de la voie de pèlerinage en direction de Saint-Jacques-de-Compostelle. Son engagement découle d'une collecte de fonds réalisée par une vingtaine de Québécois au bénéfice de la Société de recherche sur le cancer (SRC), dont il est le porte-parole. Pour marcher 313 kilomètres avec lui en Espagne, ces participants devaient amasser chacun au moins 9600$ pour la recherche sur le cancer.

La plupart d'entre eux ont vécu un deuil à cause de cette maladie. Claude Gagnon a perdu sa conjointe Jocelyne en février. Marie-José Lefebvre a perdu sa soeur Sylvie en mai. Céline Bélanger, son conjoint Jacques en 2009. Stéphane Rousseau a perdu successivement sa mère, son père et sa soeur Louise, il y a deux ans.

Si la marche éreinte le corps et nourrit l'esprit, les marcheurs respirent le bonheur de vivre. Très drôle, Manon Baril, qui a perdu son amie Lucille en février, est devenue la mascotte du groupe. «Si ça continue, c'est moi qui vais faire sa première partie!» disait Stéphane Rousseau après une autre bonne blague de Manon.

Avant d'entreprendre le voyage, Stéphane a marché quatre fois 15 kilomètres pour s'entraîner. Cela ne l'a pas empêché d'avoir mal aux pieds après avoir parcouru seulement cinq kilomètres. Les deux participantes infirmières, les soeurs Michelle et Francine Dumont, lui ont prodigué des soins, recouvrant les parties douloureuses d'une pellicule protectrice.

Les premiers jours, la marche s'est déroulée à 850 mètres d'altitude. On croisait d'autres pèlerins, les saluant du rituel «buen camino!» (bon chemin!).

Croyant et non pratiquant, Stéphane Rousseau a eu de beaux échanges avec les marcheurs. «J'ai été ému quand ils m'ont parlé des drames qu'ils ont vécus, me rappelant mes propres drames. Je suis certain que je vais craquer d'ici quelques jours et brailler toutes les larmes de mon corps.»

Le groupe a appris la mort de Jack Layton, à Valverde de la Virgen, alors que Stéphane admirait les sculptures de Josep Maria Subirachs. Peiné, il a alors parlé du jour où sa famille a appris que sa soeur Louise n'en avait plus pour longtemps. «Le médecin lui a dit 'Passez Noël avec vos enfants et profitez-en'. On était en octobre. C'était très dur.»

Tout en marchant, Stéphane parle de sa blonde, l'actrice française Reem Kherici, 28 ans, de son métier, de sa carrière en France, de sa passion pour les arts visuels et de sa jeunesse.

Il raconte qu'à 7 ans, il s'était déguisé en policier et était allé donner une contravention à ses voisins! «Je leur avais dit qu'ils n'avaient pas le droit de stationner là où était leur auto. Ils m'avaient fait entrer et m'avaient offert un verre de lait et un biscuit que j'avais pris après avoir posé mon gun sur la table! J'ai commencé comme ça...»

Plus le chemin avance, plus Stéphane marche seul pour réfléchir. «Je me suis amusé à voir mon père, ma mère et ma soeur dans le ciel, pensant à eux, à ma carrière, à ma vie de couple, à moi en tant que père. J'espère aller beaucoup plus loin, car ce chemin est une excellente façon de faire le vide. Il y a sûrement quelque chose qui va se révéler au bout de ça.»

Quand La Presse a quitté Stéphane Rousseau à Astorga, il n'avait pas encore vraiment abordé cette recherche de paix pour faire le deuil de sa soeur. «Jusqu'à maintenant, je suis agréablement surpris, car j'avais un peu peur de ce voyage en groupe avec des inconnus. Mais je m'acclimate au contexte, à ma forme physique et aux échanges pour ne pas être tout de suite dans ma bulle. Au Québec, c'est parfois embarrassant de dire qu'on prie ou qu'on croit à Jésus. On a peur d'être ridiculisé.»

Stéphane croit un peu en Dieu «mais pas trop». «On s'est acheté des coquilles Saint-Jacques avec la croix de Jésus pour mettre sur nos sacs à dos, mais je trouve que la marche a moins de saveur religieuse que je le pensais, dit-il. Bien sûr, on visite des églises, mais j'en aime l'architecture, les sculptures, les peintures. La spiritualité donne envie d'aller au fond des choses, de réfléchir sur soi. Et Dieu sait que je suis loin d'être un ange. S'il y a un paradis, pas sûr qu'ils vont m'ouvrir les portes. En tout cas, je ne serai pas tout seul!»

La marche pour la recherche contre le cancer en chiffres

10 000 000

Somme ($) investie dans la recherche par la Société de recherche sur le cancer en 2011.

173 800

Nombre de nouveaux cas de cancer détectés en 2010 au Canada.

75 000

Nombre de décès à cause du cancer en 2010 au Canada.

313

Nombre de kilomètres marchés par Stéphane Rousseau en Espagne.

65

Nombre d'années d'existence de la Société de recherche sur le cancer.

52

Âge auquel la mère de Stéphane Rousseau a succombé au cancer.

48

Âge auquel la soeur de Stéphane Rousseau a succombé au cancer.

45

Pourcentage de Canadiens qui seront atteints du cancer dans leur vie.

19

Nombre de Québécois qui ont marché avec Stéphane sur 313 kilomètres.

L'homme derrière l'artiste

On connaît Stéphane Rousseau l'humoriste, l'acteur, le chanteur, le peintre ou le sculpteur. Mais Stéphane Rousseau l'homme est plus secret. Durant cette marche vers Compostelle, La Presse a croisé un être de presque 45 ans avec un coeur d'enfant et plus de doutes que de certitudes.

Statut de star

Si les Québécois ne l'importunent pas dans la rue, en France, c'est la folie. Il fallait voir les touristes français foncer sur lui à l'aéroport. Du coup, à Paris, il s'est couché par terre près d'une fenêtre de l'aéroport Charles-de-Gaulle pour dormir et trouver un refuge la tête enfoncée dans sa casquette. Stéphane est généreux, mais il a tracé une ligne entre vie publique et vie privée. «Je n'ai pas envie de voir mon fils dans les journaux. Je n'ai rien contre ceux qui le font, mais ce n'est pas mon truc.»

Procrastineur

«J'ai toujours reporté à demain ce que je pouvais faire le jour même. J'ai reçu, il y a un mois, un appel de Claude Meunier, mon chum, mon idole, qui me proposait quelque chose de très intéressant. Je ne lui ai toujours pas répondu. Et plus j'attends, moins j'ose l'appeler! Walt Disney Studios m'avait contacté. J'avais 16 ans. Je ne les ai jamais rappelés. Y'a un peu de fainéantise et de peur derrière ça...»

Toujours enfant

«L'enfant en moi n'est pas mort. J'ai un côté petit gars de 7 ans qui a peur de se faire gronder, qui veut être aimé de tout le monde, et qui a peur de ne pas être à la hauteur des attentes.»

Le rêve de l'excellence

«J'aurais aimé être un génie, donc je suis un éternel insatisfait. J'aime les gens indiscutables, exceptionnels, comme Leonard Cohen ou Marc Labrèche. Moi, j'ai toujours été complexé. À tort peut-être. Ça fait ma force aussi pour aller plus loin et être meilleur.»

Trouver sa voie

«Artistiquement et dans la vie, j'ai l'impression de ne pas m'être encore trouvé. Pour les humoristes, je ne suis pas un humoriste. Même chose pour les imitateurs, les musiciens, les chanteurs, les danseurs ou les peintres. Ma force est de faire tout ça sans y exceller. Je suis quand même content d'être allé plus loin avec mon dernier spectacle. Mais j'ai envie d'un coup de génie. J'espère que tout est à venir...»

Les cinq petits bonheurs de Stéphane Rousseau

Un foie gras et un verre de Sauternes

«Ça fait un peu péteux mais un sauternes et un foie gras sur le quai, devant un coucher de soleil, avec ma blonde ou des amis, c'est extraordinaire. Un Français de Sainte-Adèle fait un foie gras incroyable. Cet été, deux fois avec des amis, on a passé un bon moment comme ça sur le quai, chez moi, dans les Laurentides. C'était magique. Si, en plus, mon gamin est là et joue avec d'autres enfants, c'est encore plus beau. J'aime beaucoup recevoir et plus tu reçois, plus tu as envie de créer ces petites attentions particulières. À force de voyager en France, on raffine son palais!»

Se baigner nu dans un lac

«Ça vient de mon enfance. Je trouve ça jouissif. Même s'il y a toujours une crainte qui vient avec ça: la peur du brochet errant! Sinon, on a un total sentiment de liberté et de communion avec la nature. Et c'est encore plus drôle en couple, sauf quand un castor sort près de toi! Ça m'est arrivé. J'ai vraiment eu peur car c'est rare qu'un castor sorte près de toi et tape sa queue à l'eau! Ce devait être une maman castor qui protégeait ses enfants.»

Écouter du Muse

«J'ai découvert ce groupe anglais cette année. Muse te donne des ailes en allant dans plein de directions. Ils ont revampé la musique des années 80. C'est un peu le Queen d'aujourd'hui. Matthew Bellamy a une belle voix. C'est très orchestré et ça déménage. Quand tu marches, tu te mets à courir tellement c'est exaltant! En écoutant Muse, tu as l'impression que tu vas mieux faire ton travail et défoncer des murs!»

Sculpter le bois

«C'est sûrement aussi rattaché à mon enfance. L'odeur du bois quand on le sable, le scie ou le sculpte me plaît et me rassure. J'habite dans la forêt et j'aime les arbres. Ça m'arrive de leur faire des accolades! Le bois, c'est noble et pas prétentieux. Ça m'émeut. J'aime son veinage, son côté rough. Je trouve ça fascinant de le sculpter. J'ai pris des cours de sculpture sur bois à Saint-Jean-Port-Joli. Une des plus belles semaines de ma vie. J'ai commencé un totem amérindien, mais c'est long à réaliser!»

Dans le bois entre gars

«J'adore les femmes, mais me retrouver dans le bois avec des gars est un très grand bonheur. Quand je pars à la chasse à la perdrix avec mes chums, on devient tellement cons que c'en est jouissif! On dirait que les règles ne tiennent plus. C'est comme si on mettait le cerveau à off. On a tous de belles maisons et on va coucher dans un shack aux matelas rongés par les souris, avec un petit poêle à bois et des murs pas finis! Un peu comme la chanson de Marc Déry sur la pêche à la truite. Et puis, j'aime l'ivresse qu'apportent de bonnes bières ou une bonne bouteille de vin. Quand je passe devant le miroir avec ma chemise à carreaux, c'est mon père chasseur que je vois...»

Pour suivre la marche de Compostelle de Stéphane Rousseau: www.recherchecancer.ca