Humoriste depuis 23 ans et finaliste plusieurs fois aux Olivier, Guy Nantel n'a jamais remporté la précieuse statuette qui marque la reconnaissance de ses pairs. En entrevue avec La Presse, il dit être victime d'un manque de visibilité à la télévision.

Guy Nantel est populaire. Les gens se déplacent pour l'entendre se moquer de la classe politique et des errances de l'homme et de sa fiancée, comme dirait Foglia. La Presse l'a vu à Beloeil cet hiver. Salle comble. Succès monstre.

«Je suis un des humoristes qui ont vendu le plus de billets depuis deux ans, dit-il. Mes salles sont pleines partout depuis deux ans, mais, au sein de l'intelligentsia de Montréal, il y a une forme de boudage parce que je ne suis pas ami avec les bonnes personnes. Pour d'autres, qu'on voit à toutes les émissions de grande écoute, on pense que ça roule alors que ce n'est pas vrai. Des billets se vendent à 25% et des salles sont données.»

Guy Nantel en a contre «les diffuseurs» qui l'ignorent totalement, dit-il, malgré son succès populaire, et qui privilégient selon lui la variété, estimant que le public ne s'intéresse pas à l'humour politique.

«L'amour que le public porte à un artiste n'est pas proportionnel au nombre de fois que tu le vois à la télévision, dit-il. Et je parle de la télévision, car le malaise vient directement de là. Hugo Dumas avait raison dans son article après les Olivier: je ne suis pas la saveur sucrée du mois. Je ne suis pas un gars particulièrement beau et sexy. Moi, je suis comme une goutte de poison dans l'eau.»

Manque de diversité

Quand Guy Nantel séduira-t-il? «Le jour où je serai dans une émission qui me ressemble, une émission où on ne misera pas que sur la séduction et la démagogie pour attirer des cotes d'écoute, mais sur quelque chose d'un peu plus consistant», estime l'humoriste.

Il affirme avoir eu des conversations avec certaines personnes haut placées dans l'univers de la diffusion télévisuelle, «des tops», qui lui ont dit qu'il avait raison et que le petit écran manque cruellement de diversité.

«Ils parlent comme si ce n'était pas eux qui ont le pouvoir de changer les choses, dit-il. Mais quand tu regardes la grille, chaque fois que des humoristes ont demandé de faire de la télé, c'est pour faire du niaisage ou faire les clowns.»

Guy Nantel estime que ses succès sur scène ne se convertissent pas en succès d'estime professionnel (il a toutefois gagné un Félix du meilleur spectacle d'humour), car les spectateurs font souvent sa connaissance seulement lorsqu'ils le voient dans une salle de spectacles.

«Quand les gens viennent me voir en show, ils me disent: «Tabarouette, ce n'est pas l'image que j'avais de toi.» C'est sûr, ils m'ont vu huit fois à la télévision!»

L'humoriste politique dit que, lorsqu'il participait à l'émission de Marie-France Bazzo, Il va y avoir du sport, en 2005, à Télé-Québec, il était parfaitement dans son élément.

«Il y avait des débats sérieux dans lesquels on intégrait de l'humour. J'aimerais bien qu'il y ait des émissions de télé comme ça, même si ce n'est pas moi qui les anime. J'aimerais qu'on fasse autre chose que faire les fous.»

Guy Nantel estime qu'il suffit de regarder la grille horaire des principales chaînes de télévision pour se rendre compte de l'offre d'animateurs peu diversifiée.

«Comment se fait-il qu'il y a des gens qui animent trois, quatre émissions dans la même année? Est-ce qu'il y a juste six personnes au Québec capables d'animer des émissions? Il y a un goût du risque qui est un peu absent.»

Ainsi, même s'il est produit par Juste pour rire depuis 2004, Guy Nantel n'a actuellement aucun projet télé ni même radio. Sa tournée du Bilan Nantel se poursuit en septembre pour se terminer en décembre. Après, il prendra du temps pour lui.

«Je ne suis pas très carriériste, dit-il. Je laisse aller les choses. Je n'ai jamais manqué de job depuis 23 ans. Je vais écrire un autre spectacle d'ici deux ou trois ans, mais je veux attendre un peu, question de ne pas me répéter et tomber dans les mêmes sujets.»