Le Cirque du Soleil joue gros à New York. Après l'échec retentissant de Banana Shpeel, l'an dernier sur Broadway, le Cirque met le paquet pour conquérir la Grosse Pomme avec un spectacle en salle. Zarkana, un opéra rock extravagant et déjanté, a été conçu spécialement pour l'immense scène du Radio City Music Hall, la plus grande du monde avec ses 6000 places assises. On y suit les aventures du magicien Zark, interprété par le chanteur Garou, qui a perdu sa belle et, avec elle, tous ses pouvoirs magiques. Une semaine avant la grande première mondiale, le mercredi 29 juin, La Presse a rencontré François Girard, qui signe sa deuxième mise en scène pour le Cirque du Soleil, après ZED, spectacle permanent présenté à Tokyo.

À une semaine, jour pour jour de la première de Zarkana, ici même au Radio City Music Hall, quels sentiments vous habitent?

C'est la dernière journée de répétition. Donc, la dernière journée pour changer et refaire une scène. Alors, je ressens une sorte de soulagement. Évidemment, il y a la pression de présenter officiellement Zarkana à New York, mais on est fiers de notre spectacle. J'ai hâte à cette première!

C'est donc le signe que vous êtes prêts?

La première arrive vite parce qu'on a eu un calendrier chargé. On a mis les bouchées doubles depuis six mois. On est un peu fatigués. L'objectif est maintenant de continuer à resserrer les boulons jusqu'au 29 juin pour présenter le meilleur spectacle possible.

Lors de la présentation de Zarkana à la presse américaine, le 24 mai, quatre trapézistes étaient tombés dans le filet pendant un numéro. Est-ce que ces pépins sont réglés?

Ce n'était jamais arrivé avant. Il y a eu un concours de circonstances cette journée-là. C'est un peu étrange. Comme on n'avait pas eu accès à la scène avant, les trapézistes n'avaient pas pu répéter pendant deux ou trois jours. C'était la précipitation du moment. On n'accorde pas trop d'importance à ça.

Quelle est l'ambiance pendant les répétitions?

C'est calme. Parfois même trop! Parce qu'une des choses à gérer avec Zarkana, c'est la lenteur de ce monstre. L'ampleur de la technique, la sécurité, les procédures... C'est comme un éléphant immense, capricieux, qui se lève quand il a en envie. Tout ça amène une lenteur extraordinaire et pesante.

Quel a été votre plus gros défi?

Gérer les dimensions du Radio City Music Hall. Ce théâtre contient le plus de sièges, mais aussi la plus vaste cage technique de scène: 100 pieds d'ouverture. Au Metropolitain Opera de New York, c'est 80 pieds. Nos grandes salles à Montréal font 60 pieds. Les dimensions du Radio City Music Hall ne sont pas à échelle humaine.

Est-ce que vous arrivez à occuper tout l'espace?

Ma théorie, c'est qu'on l'occupe trop! Notre équipe s'est beaucoup concentrée là-dessus. On a digéré ça de toutes les façons possibles. Depuis deux jours, je suis en train de rééquilibrer le tout. Je pense qu'on a vraiment bien fait notre travail.

L'utilisation de la vidéo est-elle très présente dans Zarkana?

Oui, une vidéo super intégrée aux décors, à l'éclairage, au spectacle. C'est un aspect particulièrement réussi.

En quoi consistent les effets spéciaux de serpents et d'araignées?

On a travaillé sur de grands tableaux. On a créé une mythologie de type bande dessinée, qui raconte l'histoire d'un magicien attendant sa belle et qui est séduit par des mutantes. Il y a Coney Island Freak Show, Bellini la femme serpent, Mandragore la mutante, et puis l'infirme difforme...

Quel est le fil conducteur de l'histoire?

On peut faire différentes lectures. La plus importante, c'est la parade acrobatique. C'est ce qu'on met en scène d'abord. Notre magicien a ses aventures, il fait des rencontres. Et tout ça est à suivre, mais il n'y a pas de logique. Ce n'est pas Shakespeare!

Vous en êtes à votre toute première mise en scène à New York. Comment envisagez-vous l'impitoyable critique new-yorkaise?

C'est certain qu'ici, il y a une pression supplémentaire. New York est la Mecque du théâtre, un lieu de grande saturation culturelle. Le Cirque du Soleil, Guy Laliberté et moi, on a l'ambition de prendre notre place à New York avec Zarkana. Mais s'il y a une chose sur laquelle on s'entend tous depuis le début, c'est que nous sommes ici pour être qui on est: le Cirque du Soleil dans sa forme la plus acrobatique. Il n'y a qu'une façon d'exister à New York, c'est d'affirmer son identité.

La pression est-elle plus forte à cause de l'échec de Banana Schpeel, l'an dernier?

Effectivement, mais je n'y pense pas trop. Mon travail n'est pas de gérer ça. Guy (Laliberté) est entièrement derrière le spectacle depuis le début. Il trippe, il aime ça. On a mis la pédale au fond. Ce qui est arrivé avant, ce qui arrivera après, c'est autre chose.

Et puis Zarkana est aussi une réponse très organique au Radio City Music Hall. Pas seulement à la dimension de ce lieu légendaire, mais à ce qu'il représente pour New York. Zarkana est la rencontre entre le Cirque du Soleil et le Radio City Music Hall.

Vous pensez que ça va marcher?

Je vois le spectacle tous les jours en avant-première. Le public est debout, il applaudit, rit et pleure. C'est un gros bateau qui flotte. Les artistes vont s'approprier le spectacle, le faire vivre. On est dans le début de ce processus. Ce sera fascinant de voir comment cela va se poursuivre.

Zarkana en chiffres

50 millions

coût de la production

75

nombre d'artistes sur scène

20 x 44

dimension en mètres de la scène du Radio City Music Hall

18

nombre d'avant-premières

175 000

billets vendus jusqu'à maintenant

500 000

billets que le Cirque espère vendre cet été