Après plusieurs années de silence, c'est un nouveau Maxim Martin qui montera sur la scène du St-Denis mercredi soir pour la première de son troisième one man show, Tout va bien. Un spectacle ambitieux que nous avons vu en répétition et qui pourrait bien le ramener dans les grandes ligues de l'humour.

Quand avons-nous dérapé? Cette question est la ligne directrice du nouveau spectacle de Maxim Martin, qui propose un zapping de l'histoire de l'Humanité, de l'homme des cavernes à aujourd'hui, en misant sur ses fausses routes plutôt que sur ses bons coups. Sur l'affiche, nous voyons l'humoriste en train de déguster un cornet de crème glacée devant un paysage apocalyptique. Le titre, Tout va bien, est bien sûr ironique. Le monde va mal. Mais Maxim Martin, lui, se porte plutôt bien. Très bien, même.

Après le propre dérapage de sa vie personnelle, il s'est repris en main. Sobre depuis deux ans, il est devenu accro à la discipline et à la lucidité. Sa vie se résume à son travail, son rôle de père seul, et la fréquentation du gym. «La sobriété, ça te sort des vapes, explique-t-il. Tout ce que je vis, je le vis à froid. J'ai appris qui je suis. C'est la meilleure chose qui me soit arrivée dans la vie et le show représente bien où je suis rendu.»

Ce n'est pas qu'il buvait tous les jours, tient-il à préciser, mais lorsqu'il partait «sur le party», il partait «solide». Et les lendemains de veille étaient de plus en plus pénibles. Assez pour le faire douter de sa vocation. «Les dernières années, ce n'était pas drôle, ce que j'écrivais, se souvient-il. Il y avait quelque chose de thérapeutique et même de dérangeant dans mes textes. Je voyais tout en noir et je n'étais pas plaisant. Ça fait 22 ans que je fais ce métier et c'est comme un couple: tu n'es pas en amour tout le temps pendant 22 ans! Je peux dire que je suis retombé amoureux du métier.»

Le bum au coeur tendre

Diplômé de l'École nationale de l'humour en 1990, Maxim Martin avait fait un tabac avec son premier spectacle, Tolérance zéro, qui lui avait valu le titre de Révélation de l'année en 1998. Son deuxième spectacle, Chez Max, dont la dernière représentation au Québec remonte à 2006, avait reçu un accueil plus tiède, mais connu un certain succès en France. Au travers de tout ça, une rupture amoureuse, la crise de la trentaine et, d'une certaine façon, le poids d'une image de bum qui devenait peut-être lourde à porter. Il a longtemps été cet humoriste qui avait montré un testicule sur scène...

L'abus d'alcool est pour lui le symptôme d'une fuite généralisée, car au-delà de la sobriété, c'est toute son attitude envers la vie qui a changé, et même envers son métier. «Cette image de rebelle, je l'ai cultivée, dit-il. J'ai fait le fou, j'ai fait le cave, mais je suis rendu ailleurs. Je regarde comment je livre mes textes aujourd'hui et c'est beaucoup moins agressif, plus subtil. Il y a d'autres façons de passer un message sans l'enfoncer dans la gorge des gens. Et ils m'écoutent: en 20 ans de carrière, je n'ai jamais eu ce regard-là dans les yeux du public.»

Il l'admet, ses problèmes personnels ont probablement «retardé» sa carrière. «Une des raisons qui expliquent pourquoi il y a tant de temps entre mon dernier show et celui-ci, c'est que je n'étais pas entièrement «là». Je n'étais probablement pas prêt à affronter tout ça non plus. C'est sûr que la vie à froid fait peur, mais tu te rends compte qu'elle n'est finalement pas si effrayante que ça. J'ai fait mon tough pendant longtemps, et ça m'a coûté cher.»

Tout de même, un tough au coeur tendre qui adore sa fille. Pour elle, il aura été un «débauché responsable». «Mais je ne veux même pas penser à ce que je serais aujourd'hui si elle n'était pas là.»

Entourage

Maxim Martin n'a qu'une date ultime à son calendrier: le 11 mai, soir de la première de Tout va bien. Après trois mois de travail acharné, à raison de douze ou quatorze heures par jour, il brûle de remonter sur scène. Il aurait aimé avoir une période de rodage plus longue, mais il adore cette adrénaline. Et il se sait bien entouré - c'est aussi ce qui a changé avec la sobriété. «L'impact et les récompenses ont été immédiats, raconte-t-il. Quand t'es sur le party, ton entourage n'est pas toujours très sain. Je n'aurais pas pu passer au travers des derniers mois si j'avais été l'ancien Maxim Martin.»

Ses coachs sont Louis Champagne et Daniel Leblanc. Ses scripteurs sont ses amis. Son agente est sa plus grande critique, dit-il, et pour la première fois, il a trouvé un producteur qui lui ressemble. Cette sollicitude le bouleverse réellement. «Mon équipe me dit souvent: n'oublie pas que t'es bon, Max. C'est quelque chose qui ne me rentre pas dans la tête facilement. Dans l'autodestruction, il y a un manque d'amour personnel, et c'est étrange de voir autant de monde autour de toi qui t'aime.» Maxim Martin, si volubile, se tait soudainement. «Je ne sais pas comment exprimer ça. Il y a un blocage. C'est juste pas facile d'accepter l'amour des autres.»

Il ne voit qu'une seule façon de remercier tout ce beau monde: donner le meilleur de lui-même. «Le 11 mai, je m'en vais me défendre avec mes tripes. Je veux juste réussir à transmettre l'enthousiasme qu'on a eu à écrire ce show. Trop de gens ont travaillé fort, je veux leur rendre justice. À une semaine de la première, la marge d'erreur est à zéro, et s'il y a une personne à blâmer le 11 mai, ce sera moi.»

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Tout va bien, le 11 mai, à 20 h, au Théâtre Saint-Denis.

Le making-of

Il y a un paradoxe à la réussite d'un bon spectacle d'humour: on ne doit pas voir le travail. Le naturel est un ingrédient essentiel à l'humoriste qui doit être sur scène comme un poisson dans l'eau. Mais ce naturel, c'est beaucoup de boulot.

Nous avons eu la chance de voir Maxim Martin en répétition. D'abord seul, avec le metteur en scène Louis Champagne, dans un petit local du Chat des artistes, rue Parthenais. Chacun sur ses ordinateurs portatifs, ils décortiquent les textes et les assemblent comme un puzzle. «Un spectacle, c'est une entité vivante, explique Maxim Martin, qui modifie et ajuste au jour le jour son matériel. Le squelette est solide, mais en humour, tout est une question de rythme et de punchs

En fait, il est assez injuste de juger d'un spectacle à sa première, quand on y pense. Car c'est à la longue qu'un humoriste réussit à se «mettre en bouche» ses textes, assez pour oser parfois l'improvisation.

Rien de plus étrange que d'entendre un humoriste répéter son monologue dans une salle vide, sans les réactions du public, qui valident en quelque sorte l'efficacité du gag, en plus de contribuer à un effet d'entraînement. Mais le boulot de Louis Champagne est «d'habiller le show». Maxim Martin a recruté le metteur en scène, plus versé dans le théâtre que dans l'humour, afin de «sortir de sa zone de confort». «Le stand-up a une tête de cochon, dit Martin. Si ce n'était que de lui, un micro et un verre d'eau seraient suffisants et il parlerait pendant des heures. Pour l'instant, je me sens à l'école et j'ai très hâte à la récréation.» La récréation étant le soir de la première, qui lui permettra enfin de présenter tous ces mois de travail au grand public.

Louis Champagne lui apprend à occuper différemment l'espace, lui proposant même de répéter à l'intérieur d'un cerceau afin de ne pas se promener tout le temps de long en large. Pourquoi a-t-il accepté ce contrat? «Parce que je suis tombé en amour avec le sujet. Au fond, Maxim raconte une histoire. C'est différent du stand-up. De nouvelles personnes vont le découvrir. C'est comme si on préparait un mauvais coup tous les deux!»

Maxim Martin estime d'ailleurs que Tout va bien est en fait un monologue de 1 h 45, qui pourrait être présenté sans entracte. De la préhistoire à aujourd'hui, il doit suivre un thème, qui se résume à cette question: quand l'humanité a-t-elle dérapé pour en arriver où elle en est aujourd'hui? Il explore le concept de décadence, et partage sa consternation devant certaines dérives de notre époque, comme la malbouffe, l'hypersexualisation ou notre dépendance aux technologies. «Il y a beaucoup de fierté là-dedans parce que c'est probablement le show le plus réfléchi que j'ai jamais écrit, croit-il. Le plus beau commentaire me vient de gens qui n'étaient pas forcément mes fans, et qui me disent: «Je ne savais pas que tu étais aussi intelligent que ça.»» L'humoriste a travaillé avec une équipe de scripteurs, une bande de boys, dit-il, formée de Simon Cohen, Michel Sigouin, Guy Bernier, Pierre-Bruno Rivard et Adib Alkhalidey.

Il a testé son matériel aux quatre coins du Québec, dans des petites salles et des bars. Mais Louis Champagne trouve que ce nouveau one-man-show n'est pas vraiment destiné au public des bars, auquel Maxim Martin est pourtant habitué, ayant longtemps traîné une réputation de bad boy plutôt vulgaire. Tout va bien s'adresse à un public plus mainstream. C'est pourquoi on s'est payé le luxe des tests devant public à Showmédia, qui propose notamment des salles de rodage aux artistes. Le public, d'une quarantaine de personnes environ, a été sollicité sur la page Facebook de Maxim Martin, mais aussi par l'entremise de publiccible.com, une entreprise spécialisée dans le recrutement de spectateurs.

Ainsi, pendant quatre soirs, Maxim Martin a pu expérimenter son spectacle dans un environnement qui ressemble, en plus petit, à ce que sera la véritable expérience sur scène, avec l'aide du décor. «Vous êtes mes cobayes, je suis votre rat de laboratoire», a-t-il lancé avant de commencer sa lecture. Dans ce type de représentation, les spectateurs ont l'avantage de voir un work-in-progress, et deviennent complices de l'artiste, qui peut se tromper, recommencer, recourir à ses feuilles de notes, et les taquiner un peu. «N'oubliez pas, c'est votre job de rire. Mais n'applaudissez pas par pitié, s'il vous plaît.»

Car mercredi prochain, c'est terminé, les filets de sécurité, ce sera la grande première médiatique et le saut dans le vide.

Photo: André Pichette, La Presse

Maxim Martin en répétition avec Louis Champagne, le metteur en scène.