L'an dernier, au cours d'une représentation de La vie, les 7 doigts de la main ont perdu un de leurs membres. Un accident qui a forcé Patrick Léonard à se retirer pendant près d'un an pour soigner une blessure au genou. C'est durant ce temps d'arrêt qu'il a eu envie de créer un spectacle solo. Sous le regard approbateur des six autres doigts, le voici donc qui saute dans l'arène pour nous présenter Patinoire.

Les 7 doigts de la main n'auront jamais été aussi écartelés.

Depuis la fondation de la compagnie en 2002, quatre spectacles ont vu le jour avant de prendre le chemin des tournées. Loft, Traces, La vie et Psy. Mais les membres fondateurs du groupe sont débordés. Shana Carroll travaille à la mise en scène d'Iris, du Cirque du Soleil; Gypsy Snider et Faon Shane gèrent la tournée américaine de Traces; Isabelle Chassé est cometteure en scène de Psy et joue dans La vie; Sébastien Soldevila joue dans La vie, tout en formant des acrobates à l'École de cirque; Samuel Tétreault est responsable du projet Fibonacci, etc.

Aujourd'hui, de nouveaux doigts ont été appelés en renfort afin que la troupe puisse mener à bien tous ses projets. Patrick Léonard, lui, a passé quelques mois à regarder s'agiter les six autres doigts de sa troupe avant de se mettre à la création de Patinoire, un spectacle sans paroles, au confluent du théâtre, de la performance et de l'art clownesque. «C'est le propre du clown de patiner, explique le comédien. De se sortir de certaines situations. De contourner les éléments qui l'empêchent de faire ce qu'il veut. C'est ce que je fais dans Patinoire, en puisant dans mon quotidien.»

Cette tragicomédie a donc pris forme pendant sa convalescence. «Je suis quelqu'un de très énergique, toujours en mouvement, qui aime plaire au public. Là j'ai dû tout arrêter. Je me suis questionné sur mon désir de performer, sur le besoin de reconnaissance et aussi sur la solitude de l'artiste. Ce sont les thèmes qui m'ont permis de créer mon personnage, qui est à la fois clown et acrobate», nous dit Patrick Léonard.

L'artiste de cirque souhaite quand même que le public ressente les risques qu'il prend. Car, même s'ils sont bien calculés, Patrick Léonard prend des risques et se met en danger. Il ne révèlera pas les punchs de son spectacle, mais nous a fait un petit numéro dans lequel il se couche de tout son long en s'appuyant sur le goulot d'une bouteille posée sur le sol. D'autres numéros plus «spectaculaires» alimenteront ce solo qui découle d'une réelle remise en question.

Depuis qu'il a terminé l'École internationale de cirque, ce chimiste de formation, grimpeur hors pair, s'est blessé plus souvent qu'à son tour. «Tous les matins, je me lève avec des douleurs, dit-il. Mais j'ai toujours envie de jouer, de performer. Bien sûr, je ne fais pas les mêmes acrobaties qu'il y a 10 ou 15 ans, mais je n'ai pas peur de me mettre en danger.» Pour le plaisir d'être dans l'oeil du public, pourrait-on ajouter.

Pour réaliser son projet, Patrick Léonard a fait appel au metteur en scène Nicolas Cantin, qui enseigne notamment à l'École nationale de théâtre et à l'École internationale de cirque et qui a déjà joué avec Fred Gravel. «Il est très minimaliste, mais aussi très intense. Ce n'est pas quelqu'un qui aime les gags faciles, alors que moi, j'aime bien... Au fond, on se complète bien parce qu'il m'a aidé à mettre en place des idées qu'il n'aurait pas nécessairement eues.»

Mais à quelques jours de ce premier spectacle solo d'un des 7 doigts, Patrick Léonard avoue être gagné par la nervosité. «J'ai hâte de présenter le spectacle, de voir la réaction du public, de m'ajuster. Parce que pour l'instant, je trouve ça dur.» Même s'ils sont loin, les six autres doigts sont toujours en contact avec leur collègue et seront à Montréal pour sa première. «Ils sont au courant de mes états d'âme, nous dit-il. Même si c'est mon projet, ils m'appuient et m'encouragent.»

Patinoire, au Théâtre La Chapelle du 19 au 30 avril.