L'humoriste Jean-Thomas Jobin est une bibitte à part dans le monde du rire. Spécialiste de l'anti-humour, du pince-sans-rire et de l'absurde, il présente à Montréal son deuxième spectacle, Soulever des Corneliu, en espérant soulever la foule avec son univers... capoté ben raide.

La Presse a assisté à un des spectacles de rodage de Jean-Thomas Jobin, l'été dernier à Laval. Le spectacle débutait par une musique de cirque et un cri de ralliement. Jean-Thomas rassemble ses troupes, son public fidèle qui adore son conteur de l'absurde. Flyé et cérébral, Jobin occupe une case bien à lui dans le monde de l'humour.

«J'assume que je suis humoriste, mais ça ne veut pas dire le rire à tout prix, dit-il en entrevue. Je veux que ce soit souriant et étrange. Tu embarques ou pas dans l'univers étrange, dans l'anti-humour. Je fais des blagues qui n'en sont pas, mais c'est voulu. Ça reste dans les eaux de l'absurde.»

Passionné d'abord par l'écriture, il va jusqu'à «nuancer» quand on lui parle de spectacle d'humour. «C'est autre chose que je présente, dit-il. Tu peux frapper un mur quand tu me vois!»

Dans le spectacle de deux heures, une sorte d'intrigue policière, c'est son personnage qui parle, le même qui passionne ses 4894 amis Facebook. Il se retrouve sur scène avec une marionnette, Jacques Boyer, adaptation de l'agent fédéral américain Jack Bauer de la série télévisée 24, manipulée par l'acteur Jean-Sébastien Lavoie.

Jobin parle dans son spectacle de la réincarnation, de ses nombreuses vies précédentes et de l'invention des biscuits Graham. Il joue la crainte d'une attaque terroriste de l'Association internationale des Gisèle de Brome-Missisquoi avant de commenter une course de bobsleigh à deux... à la radio!

Jean-Thomas Jobin est un as de l'absurde, un créneau qu'il développe depuis l'âge de 16 ans, «après avoir vu des films de Woody Allen». Il a joué son premier spectacle 170 fois devant 65 000 personnes jusqu'à l'été 2008. De quoi se forger une bonne base de contaminés à la jobinite aiguë, maladie pour laquelle le seul remède efficace est de se brancher chaque jour au goutte-à-goutte de sa page Facebook où tout ce qu'il écrit est évidemment la plupart du temps... tout faux!

Mais son compte Facebook est plein. Très populaire auprès des jeunes, Jean-Thomas! «L'humour absurde va plus chercher les jeunes, dit-il. Est-ce une rébellion inconsciente, mais ce sont surtout les 16-35 ans qui viennent me voir. Il y a beaucoup d'ironie dans mon show, de cynisme, donc il faut souvent quand même une certaine maturité pour comprendre le quatrième degré! Mais les 40 ans et plus ont le droit de venir!»

Pourquoi Soulever des Corneliu? Jean-Thomas est-il un ami du chanteur ténor Corneliu Montano? Pas du tout! Mais il lui a demandé de participer à la création de l'affiche de son spectacle où on le voit soulever trois... Corneliu! «Je voulais créer une image déstabilisante, dit-il. Ceux qui me connaissent savent que ça me ressemble de faire une affiche qui n'a ni queue ni tête!»

C'est le comédien et auteur Christian Bégin qui le met en scène. Pierre Michel Tremblay est son script-éditeur, qui suggère les coupures et les améliorations au texte. Christian Bégin a déjà mis en scène des humoristes: Martin Matte à trois reprises et Maxim Martin pour ses deux premiers spectacles. Mais cette mise en scène de Jean-Thomas Jobin sera sa dernière dans ce domaine. Pas parce qu'ils ne se sont pas entendus, mais parce que Christian Bégin ne sait pas s'il est «compétent pour ça». «Je pense que je suis meilleur comédien», dit-il.

Avant la première montréalaise, Christian Bégin est un peu préoccupé de constater que 14 nouveaux spectacles d'humour étaient à l'affiche pour la rentrée à Montréal. «Avec l'univers singulier de Jean-Thomas, il ne propose pas le même type d'aventure, dit-il. Cela aura été mon gros défi: respecter son univers, mais donner des clés pour que tout le monde puisse embarquer.» Premier embarquement des aventuriers mercredi. Bienvenue en Absurdistan!

Soulever des Corneliu, par Jean-Thomas Jobin, au Monument-National, les 10-12-13 novembre à 20h.