Grâce au talent prometteur des finissants, les spectacles de fin d'année de l'École nationale de cirque, Il fait dimanche et Journal de bord, présentés à la Tohu jusqu'au 20 juin, illustrent à merveille le niveau de qualité du cirque montréalais.

Les deux spectacles, différents l'un de l'autre, révèlent la maîtrise artistique et technique des élèves de l'ENC qui n'ont eu qu'un mois pour assimiler leur programme. Non seulement on ne s'ennuie pas durant ces spectacles de 1h25 chacun, mais le temps passe trop vite.

 

J'ai préféré Il fait dimanche, dont la scénographie est exceptionnelle. Il a été conçu et mis en scène par Shana Carroll, cofondatrice de la troupe de cirque Les 7 doigts de la main.

Il fait dimanche se déroule dans les années 50. Banlieue proprette américaine. Petites maisons rouge sang. Les hommes ont des bretelles et des pantalons amples. Les femmes sont coquettes: Jane Wyatt dans Father Knows Best. C'est l'arrivée de la télé, le livreur de pizzas, le camelot à vélo, les patins à roulettes...

Les mouvements de danse pour refléter cette époque sont superbes, l'humour et le message toujours en filigrane. Les hommes travaillent, les femmes, sur des trapèzes, les rejoignent: ce premier tableau, sensuel, est suivi d'un bel exercice d'équilibre de Jonathan Morell. Puis, grand moment du spectacle, la performance de Maxime Girard au cerceau aérien. Brillant, drôle, technique, son numéro de torero dragueur et virtuose des airs est superbe. Chapeau... même s'il n'a pas fait le tour de scène avec le cou sur le cerceau comme il sait le faire.

Amanda Orozco, enroulée dans du tissu, qui fait des grands écarts à 8 m du sol, Lisa Eckert et Nicolas Fortin et leur scène de ménage sur trampoline, Valérie Doucet et ses équilibres tandis qu'on couvre son corps de graffitis, Alma Buholzer et Éric McGill sur leurs trapèzes ou Kaelyn Schmitt, qui clôt la soirée avec grâce, tous les numéros soulèvent l'admiration.

Journal de bord

Pour Journal de bord, la chorégraphie Charivari est la partie la plus réussie. Quelques numéros du spectacle conçu et mis en scène par Guy Alloucherie manquent de finition, mais il y a de grands moments. Ethan Law qui fait tourner Marie-Pier Campeau comme une crêpe avec ses pieds ou Yann Leblanc qui récupère une massue tout en s'élançant au-dessus de Jonathon Roitman en train de jongler.

Belles figures originales au cerceau aérien par Andréanne Nadeau et au cerceau ballant par Diana Patricia Gonzalez Rodriguez. Frissons lorsque Maxime Yelle fait des prouesses sans filet à la double corde volante. Quand la difficulté augmente, il s'assure avec un harnais. On respire. «Ce vocabulaire est tel qu'il serait inimaginable qu'ils ne soient pas attachés en travaillant à une telle hauteur», dit l'assistant à la mise en piste, Howard Richard.

Entre chaque numéro, la danse urbaine emplit la scène et recrée une fête foraine. Les mouvements sont athlétiques, les exercices de force impressionnants. Les artistes sont expressifs, dynamiques et forts. Ils savent bouger, sauter, jouer.

Les concepteurs ont greffé au spectacle un contenu pas toujours opportun, notamment quand à la fin, les artistes racontent des anecdotes qui ont marqué leur jeunesse. Plus tard, quand Diane Renée Rodriguez exécute avec superbe un flamenco avec son trapèze, on entend des extraits d'entrevues d'ouvriers français. «Diane devient une icône du monde ouvrier», a expliqué à l'issue du spectacle Guy Alloucherie. Ces extraits rompent cependant le charme de l'exercice stylé de Mme Rodriguez.

Le discours devient même révolutionnaire après les manipulations de Robert James Webber, maniant balai et chapeau avec brio: surviennent des commentaires peu pertinents sur les présidents Evo Morales et Hugo Chavez.

Le spectacle s'achève toutefois sur un excellent numéro de planche coréenne. Patrick Schuhmann était un peu blessé et ne pouvait faire montre de l'étendue de son talent mais il était accompagné de deux jeunes de 2e année, Maxim Laurin et Ugo Dario, assez bons, merci. Ils faisaient tous les deux partie de la cérémonie d'ouverture des Jeux de Vancouver...

Il fait dimanche et Journal de bord, en alternance à la Tohu, jusqu'au 20 juin; programme double les fins de semaine.