Gad Elmaleh était un peu inquiet de présenter Papa est en haut au Centre Bell, jeudi et vendredi. «Faire le Centre Bell», aucun humoriste n'avait osé. À l'issue du premier spectacle, le plus populaire des humoristes français était «rassuré». «L'accueil a été très émouvant», a-t-il dit à La Presse, dans les coulisses, avant d'être embrassé par un des nombreux membres de sa nombreuse famille qui vit au Québec.

Deux heures auparavant, la foule de 6342 personnes, très multiculturelle, tapait des mains et sifflait, quand il est arrivé sur scène sur une musique de Michael Jackson. «Bonsoir Montréal!» Aussitôt répondu par des youyous berbères, ces longs cris aigus et modulés que poussent les femmes du Maghreb. «Merci pour ce petit son qui vient de chez moi! Je suis sûr qu'il y a des Québécois qui doivent dire «y'a des Indiens ici»!»

Le décor était planté. Comme il l'avait dit, son show serait un mélange de Papa est en haut, présenté plus de 300 fois dans le monde, et d'improvisations. Les deux écrans placés de part et d'autre de la scène permettaient de profiter de ses mimiques et atténuaient l'impression qu'il était bien petit pour une si grande scène.

Ayant habité à Montréal quand il avait de 16 à 20 ans, il a déridé la foule quand il a dit qu'Halak, le gardien des Canadiens avait un nom qui pouvait se prononcer en arabe, en hébreu, en grec ou en québécois. Il a ensuite fait celui qui fait semblant d'avoir mal. «Comme Maxime Lapierre!»

Juif d'origine marocaine, âgé de 39 ans, parlant autant l'arabe que l'hébreu, il a joué sur nos façons de s'exprimer, notamment cette Marocaine qui lui a dit, pour le complimenter, «vous nous avez pissé de rire!» «Je suis ravi d'avoir fait pisser tout le monde!», a-t-il dit.

Il s'est aussi gentiment moqué du parler local. «Pourquoi vous ne prononcez pas la fin de certains mots? Le mécanisss, le dentisss, le nationalisss. Vous faites quoi avec les lettres qui manquent? Vous les recyclez? Les t-e, on les met à ici et ça fait icitte?»

Papa est en haut est une succession de plaisanteries sur nos façons de vivre, les relations entre hommes et femmes, le vieillissement, nos habitudes, le ronflement, l'homme qui se lève la nuit pour aller aux toilettes («tu reviens?», demande la femme. «Évidemment! Tu penses que je m'en vais danser toute la nuit?»).

Gad Elmaleh nous gratifie de quelques sauts, marche en imitant un Français maniéré, fait le père qui court après son fils, joue du piano, chante une berceuse à la guitare en caricaturant Francis Cabrel. Et revient de temps en temps avec des allusions sur ses racines. «Utilisant les rais de lumière qui l'entourent, il lance: «Y'a beaucoup de fumée ici, c'est mon frère qui fait des merguez derrière!»

Il improvise, parle aux spectateurs qui l'interpellent. Beau moment quand il raconte que son fils de neuf ans lui a demandé «quand je serai un papy, toi tu seras quoi?» Un spectateur a crié «Papa est en haut». Gad Elmaleh lui a demandé son prénom et lui a dit: «c'est beau ce que tu as dit, Adam».

Parfois, il devient émouvant, glisse un message. «Vous nous avez envoyé bien des chanteurs. Vous avez gardé les meilleurs. Ils sont où les poètes?» Il raille les chanteurs français qui fredonnent sans articuler, et critique les berceuses qui ont mal vieilli: «j'ai du bon tabac dans ma tabatière» devient «j'ai du bon pot dans ma popotière».

Surprise, Martin Matte vient le rejoindre sur scène. S'ensuit un échange de bitcheries, Matte étant plus à l'aise dans cet exercice.

Comédien de théâtre et acteur de cinéma, Gad Elmaleh aime être sur scène. Il se nourrit d'applaudissements. Parfois, on sent un décalage culturel entre ce qu'il dit et nos perceptions d'ici. Mais comme l'a exprimé Roch Voisine après le show, «mettre tout le monde au diapason pendant deux heures, ce n'est pas facile».

Son show interactif est stylé, intelligent, humaniste. Il se démarque des humoristes qui choisissent la facilité et construit une prestation à saveur universelle qui touche un large public. Ce n'est pas pour rien que Gad signifie joie en hébreu. «Il a tous les talents», a réagi le fondateur du Festival international de jazz de Montréal, Alain Simard.

À la fin du spectacle, il a remercié les gens qui ont compté pour lui et rappelé qu'il a débuté sa carrière au Cabaret Juste pour rire le 10 décembre 1994, alors que son ami Michel Azoulay lui avait recommandé d'aller dire à un public ce qu'il racontait lors de repas.

«À Montréal, je suis allé à l'école de la vie, a dit Gad Elmaleh. Je suis très attaché au Québec. Et ce n'est pas derrière ce coin, là, dans les coulisses, que c'est spécial, c'est ici, sur scène. Et n'oubliez jamais que c'est grâce à vous.»