Intégrismes, châteaux de cartes à la Bourse, OGM, obésité, euthanasie, etc. Pour son troisième spectacle, La réforme Nantel, Guy Nantel jongle avec les sujets épineux pour provoquer, faire réfléchir et, surtout, faire rire.

Guy Nantel a l'impression de faire la bonne chose au bon moment. «On vit dans une époque carrefour, réfléchit-il devant son verre de jus. On sort d'une crise financière, on se questionne de plus en plus sur la place du religieux et sur le système d'éducation, et l'environnement inquiète. C'est le bon moment pour mon genre d'humour, je pense.»

 

L'expérience autorise ce recul. On l'oublie parfois, mais Nantel roule sa bosse depuis longtemps. En 1989, il graduait dans la toute première cuvée de l'École nationale de l'humour, avant Patrick Huard, Martin Petit, Martin Matte et les autres noms établis. Mais son ascension a été beaucoup plus lente. Au début des années 90, c'est dans l'anonymat de boîtes miteuses qu'il racontait ses gags. Il s'est accroché, et il a aussi trouvé le temps de gagner la prestigieuse Course destination monde en 1994 puis de travailler à l'ONF avant de finalement écrire un premier spectacle, Par la porte d'en arrière, suivi par Les vraies affaires. On lui a ensuite confié l'animation d'un gala Juste pour rire - il reviendra à la charge pour la troisième fois cet été.

Avec son nouveau spectacle, sa carrière franchit une autre étape. «Ça m'a frappé en sortant de la scène la semaine dernière à Magog, raconte-t-il. Je me suis demandé: pourquoi des gros noms comme ça m'entourent, moi, maintenant?»

Ces gros noms, ce sont l'éclairagiste Yves Aucoin, connu pour son travail avec Céline Dion, et aussi Denise Filitrault, qui s'occupe de la mise en scène et de la direction artistique. «Pourquoi je travaille avec lui? Guy est un garçon très habile et intelligent, répond Denise Filiatrault au téléphone. Je ne connais pas vraiment d'autres humoristes qui font des monologues à portée sociale et politique comme lui.»

L'art de provoquer

Que ses fans se rassurent. Nantel ne se transformera pas en entertainer suave. Aucoin et Filiatrault misent sur les détails pour mettre en valeur ce qui importe le plus pour lui, son texte.

Et cela, il le prépare seul. «Je me sens un peu comme un philosophe qui commente le monde autour de lui, explique-t-il. Soyons clairs, je dis ça sans prétention. C'est simple: je veux parler pour moi, je ne veux pas que quelqu'un d'autre me mette ses mots dans la bouche.»

Il espère faire réfléchir. Et par-dessus tout faire rire. «Il faut que ce soit drôle, insiste-t-il. Sinon, ce serait un échec.»

Nantel parle spontanément, avec confiance mais sans arrogance. Durant notre entretien d'une heure, il ne blaguera pas beaucoup. Pas de foutaise ou de clownerie de sa part.

La scène et la vie sont deux choses distinctes pour lui. Il préfère d'ailleurs ne pas nous parler de ses opinions politiques. «Ce n'est pas important de savoir si je pense vraiment ce que je dis dans mon spectacle, explique-t-il. (...) Par exemple, mon père est mort le 21 août dernier au terme d'une longue maladie. Le soir même, je donnais un spectacle à Trois-Rivières. Et j'ai quand même fait mon numéro sur l'euthanasie, où je dis à propos des gens mourants: «Allez, arrêtez de niaiser, faut faire de la place, on roule!»»

On comprend que Nantel veut faire réfléchir avec le rire, parfois jaune ou noir. La provocation reste son arme favorite. Le public l'accuse parfois d'aller trop loin. Certains critiques prétendent le contraire. «C'est difficile, la provocation, réagit-il. Il faut se mettre les gens à dos, mais pas trop, car on veut ensuite les ramener à nous. L'équilibre est fragile, mais je pense que je réussis de plus en plus à l'atteindre. Et puis, je ne suis jamais complaisant.»

S'estime-t-il cynique? «C'est une question que je me pose beaucoup, avoue-t-il. La réponse est oui. Même si je peux être candide et avoir de l'espoir, je demeure cynique. Plus tu fouilles en politique, plus tu trouves de caca. Mais je vis bien avec mon cynisme. Quand je prends l'avion et que je regarde les fourmis en bas, je me dis que rien de tout cela n'est trop grave. Ça peut même être intéressant. Ce qui m'allume dans la vie, c'est la lutte. Sans obstacles, on s'ennuie.»

La réforme Nantel, du 16 au 20 février et du 18 au 22 mai au Théâtre Saint-Denis.