Interculturel et non pas multiculturel, dit le titre du festival. La distinction est importante pour Boucar Diouf. «Deux monologues, ça ne fait pas une bonne conversation. Et le multiculturalisme, le chacun dans son coin, c'est un peu comme un monologue. Je préfère l'interculturel, la recherche d'une zone pour se rencontrer.»

Le festival biennal se donne encore une fois ce mandat. Les quelque 100 conteurs invités proviennent d'un peu partout. Sénégal, Colombie, Italie, Burkina Faso, Pologne et Algérie font partie des pays représentés, avec une généreuse place réservée aussi aux Québécois. Cette mixité sera particulièrement présente vendredi prochain à La Grande nuit, seul spectacle auquel Diouf participe (à cause d'un conflit d'horaire, il a dû se retirer de la soirée Légendaire Afrique).

 

Hybride identitaire

En 1991, le Sénégalais débarquait à Rimouski pour y achever un doctorat en océanographie sur l'adaptation des éperlans au froid. Il se qualifie aujourd'hui d'«hybride identitaire». Mais ses contes, eux, restent plutôt africains.

«Derrière chaque conte se cache une histoire morale», lancera-t-il au milieu de notre interview en reprenant Léopold Sédar Senghor. Plus tard, il citera l'historien malien Amadou Hampaté Ba: «Le conte est une histoire d'hier racontée par les hommes d'aujourd'hui pour les générations de demain.»

Boucar Diouf se tient loin du cynisme. Pour lui, il existe une telle chose que la sagesse, et le conte sert à la transmettre. «Cette vision-là vient de mon enfance, raconte-t-il. J'habitais près d'un village du Nord nommé Fatick. Le conte y était très, très présent. À la tombée de la nuit, ma grand-mère nous racontait des histoires à la lueur de la lampe au pétrole, avec des insectes qui grouillaient partout. L'histoire se terminait par un proverbe qui cachait une morale. Aujourd'hui, la poésie commence un peu à prendre la place de la morale dans mes contes, mais je reste quand même attaché à cet univers-là. Je ne peux pas complètement m'en départir.»

Le Kiwi de Radio-Canada nous parle au cellulaire de Rimouski. Il n'y enseigne plus et n'y possède même plus de résidence. Mais il y retourne souvent pour voir ses amis et sa belle-famille. C'est toutefois le travail qui l'y retient cette fois. Il finit la préparation de son prochain spectacle, L'Africassé, qui sera lancé officiellement en février prochain au Gesù après quelques semaines de rodage dans de plus petites salles.

Il prépare aussi un autre livre dans lequel la science rencontrera l'humour. «C'est un conte scientifique, résume-t-il. Un béluga, un phoque et une morue se plaignent de leur sort. La pollution les afflige tellement... Quand un béluga meurt aujourd'hui, on le considère comme déchet toxique. Et des morues, quand Cabot est arrivé, il y en avait à profusion. On les cherche aujourd'hui. Je parle d'eux et aussi d'un phoque. Il en mange une crisse avec le débalancement dans les pêcheries!»

Le Festival interculturel du conte du Québec, du 16 au 25 octobre. Pour la programmation complète: www.festival-conte.qc.ca