«Un plaisir sans prétention, un plaisir de gros rires gras de matante qui a abusé de la crème de menthe...». C'est ce qu'Alex Perron voulait pour Un gars c't'un gars, son premier one-man show en 14 ans de carrière.

L'objectif a été rempli, avec en plus quelques moments d'émotion. Mais le résultat aurait été encore meilleur en écourtant le spectacle d'une quinzaine de minutes. En début de soirée, Alex Perron parlait du «branding» des humoristes québécois et du sien, inévitable, celui de «l'humoriste gai». «Si vous êtes ici, c'est parce que je suis fif», lançait-il, mi-blagueur, mi-défiant.

Le thème revient souvent dans le spectacle sans toutefois le monopoliser. Il y a beaucoup de blagues d'un gars gai, mais aussi beaucoup de blagues d'un gars, tout simplement.

Pas moins de six auteurs l'ont aidé à écrire les textes (François Camirand, René Brisebois, Christian Viau, Martin Petit, Pascal Lavoie et Stéphane Beaumont). Le spectacle ne contient pas de trame narrative ou de textes géniaux qui permettent de captiver avec un monologue continu. Il se divise donc plutôt en huit tableaux, entrecoupés de courts extraits vidéo et ponctués par quelques interactions avec le public.

Le rythme est juste assez nerveux. La mise en scène (Chantal Lamarre) est aussi réussie. Un écran, des rideaux et une chaise suffisent à créer diverses ambiances dans lesquelles Perron peut rendre différemment ses gags.

Les tableaux oscillent entre l'humour d'observation et l'humour incarné au je. Perron y présente ses différents visages, avec bien sûr un miroir un peu déformant. Parmi les thèmes abordés: l'obsession de la propreté, une certaine haine des curés de la nutrition, l'adolescence vécue dans les années 80 et la nécessité de parfois se censurer.

Il crève la scène comme sa voix crève presque nos tympans - ce qui occulte parfois les textes. Il bafouille toutefois à quelques reprises. Probablement le stress de la rentrée montréalaise. Ces hésitations disparaîtront sûrement lors des prochaines représentations.

Ce qui ne disparaîtra pas, ce sont les gags un peu prévisibles, comme les références à Denise Bombardier, aux métrosexuels et au Poulet Frit Kentucky, ainsi que les moments où il s'appuie sur la béquille du stand-up - ces phrases qui débutent par la formule «avez-vous remarqué que...»

Les extraits audiovisuels sont souvent originaux et efficaces, particulièrement ses souvenirs de famille et un discours de 1968 où Réal Caouette, ancien garagiste et leader du Ralliement créditiste au Québec, joue au dinosaure. Plusieurs autres vidéos présentent Perron en joueur de hockey. L'idée est très bonne, mais les scénarios sont particulièrement brouillons.

Voilà pour les quelques bémols. Mais ils ne doivent pas faire oublier qu'on rit souvent, surtout quand l'humoriste sort les gants de boxe. Il distribue gentiment les coups tout en gardant le sourire. Sans s'acharner sur l'homophobie, il la tapoche avec quelques gags et faits/statistiques insérés agilement. Il tape aussi sur l'imbécillité ambiante, ce mal inextinguible, et réserve même quelques taloches pour les enfants.

Le meilleur matériel arrive en deuxième partie, avec le numéro particulièrement réussi sur le «lobe frontal». Perron présente des situations enrageantes pour mieux expliquer la nécessité d'utiliser cette partie du cerveau pour retenir sa colère.

Mais comme c'était à prévoir, le moment fort de la soirée est celui où il raconte sa sortie de placard, à 18 ans. La salle devient soudainement silencieuse, ce qui est plus qu'un bon signe. L'ex-Mec comique passe du grave au léger avec des anecdotes touchantes, partagées sans impudeur.

Le spectacle se termine par un numéro très surprenant. Il joue un personnage fictif complètement déjanté - on n'en révèle pas plus pour garder la surprise. C'est le moment cap d'acide de la soirée. Drôlement incohérent et cinglé, quoique parfois un peu long. Il se permet d'improviser, ce qui change agréablement le ton et révèle son talent certan, celui de faire rire avec presque rien.

Dans l'ensemble, une soirée inégale mais bien agréable. Chose certaine, ceux qui croient encore à l'homogénéité de nos humoristes devront se raviser.