Ça doit être ça, le talent. À son gala, hier, Rachid Badouri a jonglé avec les clichés sur les sujets les plus sensibles, toujours en déclenchant des cascades de rires, sans jamais passer pour un abruti.

Il servait encore son bouillon de culture assaisonné d'imitations de son père. Il est question de chier dans les toilettes turques, du gros culturiste québécois qui gigue sur la plage, du machismo de certains Italo-Québécois ou de la dégaine des apprentis rappeurs à l'esthétique boulevard Saint-Martin.

Oui, les textes sont bons. Mais là ne réside pas sa principale force: elle est plutôt dans l'interprétation. Badouri possède ce quelque chose d'insaisissable qui en fait un être né pour le rire. Tout ce qui sort de lui prend la forme du comique.

Le meilleur et le reste

C'était assurément un gala Juste pour rire hier soir. On a demandé au public s'il était en forme. Et on lui a offert des numéros inégaux. C'est d'ailleurs presque un truisme. Le but du gala étant de montrer une variété de numéros, il y a forcément du bon et du moins bon.

Commençons par le meilleur, Eddy King. À découvrir, vraiment. Il s'est moqué de certains relents de colonialisme bien intentionnés. Sa principale cible: Hergé et les dessins déshumanisés de Noirs dans «cette merde» de Tintin au Congo. «Avez-vous vu les lèvres?» a-t-il lancé en montrant ces dessins. Vindicatif? Les dessins prouvaient qu'il n'exagérait pas. Et même s'il le faisait, on pourrait comprendre. L'histoire permet d'excuser qu'une personne d'origine congolaise tape gentiment sur la Belgique.

Dans la catégorie casse-gueule, Mike Ward s'est permis un numéro sur son «fan club d'handicapés». On n'a pas entendu de «tssst». Peut-être y en a-t-il eu. Mais pas de la part de la personne handicapée assise devant nous, qui riait chaudement. C'est lui et Jean-François Mercier qui ont suscité les rires les plus jaunes de la soirée. Le «Gros cave» a offert ce qui était tout sauf un contre-emploi. Il enseignait l'art d'«insulter les nuls, pour les nuls». Grinçant à souhait. L'élève Badouri a bien appris les leçons. «La prochaine fois que t'écris un Bye Bye, t'oublieras pas de mettre des jokes dedans», a-t-il lancé à Mercier.

Billy Tellier a quant à lui décortiqué les livres qui offrent des recettes pour cuisiner son petit bonheur. Sa critique du positivisme à deux sous était bien ficelée. Mais si le texte est réussi, le rendu l'est un peu moins. Il y a une limite à la quantité de bruits aigus que nos oreilles peuvent encaisser.

Charlypop a sûrement étonné ceux qui ne le connaissaient pas encore. Sa gorge cache un orchestre complet, muni de son propre système de son ambiophonique. Le bruiteur-humoriste proposait un autre genre de trame sonore pour un film. Sympathique et divertissant.

Badouri a réservé sa plus chaleureuse introduction à Jean-Marc Parent. Comme d'habitude, l'humoriste a pris un ton très personnel, aux limites de la confidence. Après quelques secondes, il nous jasait déjà de ses problèmes de poids, avec un honorable ratio juron-phrase. Les gags étaient faciles, mais son talent de raconteur est indéniable.

Côté découverte, le quatuor à cordes européen PaGAGnini a combiné humour et musique classique. Il se moque de la figure du chef qui veut contrôler, du toit au plancher... Un peu tiède. Peut-être lui aurait-il fallu plus de temps pour installer son univers. La foule a toutefois semblé apprécier.

Finalement, Dominic et Martin ont enchaîné les calembours sur l'actualité. Ils nous ont notamment appris que «le roi de la pop a poppé». Le tandem se partage les phrases de pratiquement chaque gag. Cela assure un rythme nerveux. Mais cela brise aussi le naturel. On sent tout de suite que le texte est appris et récité. Et même si les blagues sur le physique du «gros» et du «petit» peuvent faire rire, après 16 ans de carrière, ils ne surprennent plus vraiment.

Le sablier coulait à une différente vitesse lors de leur numéro de mariachis avec Rachid Badouri. Heureusement, l'animateur s'est racheté avec une finale éblouissante. Accompagné de Gregory Charles, Badouri s'est transformé en Michael Jackson pour un pot-pourri musical réussi. Chapeau. Et gant blanc.