À peine sorti des élections européennes, Dieudonné est reparti au front avec Sandrine, son nouveau one-man-show, en rodage à Montréal. En guise de public, ce sont plutôt des Français qui sont venus, mercredi, rigoler sur les connasses (les femmes), sur les cyclistes (des «pédés») et sur un discours d'Hitler traduit en guise d'avertissement pour éteindre son cellulaire, faute de quoi le propriétaire sera déporté. Le ton était donné.

Devant le théâtre, la poignée de manifestants anti-Dieudonné, «antisionistes et antifascistes», au style tenant tant des anarcho-syndicalistes que des skinheads, rendent l'introduction hitlérienne un brin superflue. Ce n'est pas «Dieudo» que l'on vient voir, mais un humoriste infréquentable pour les uns, juste un peu dérangeant pour les autres.

Manque de bol, c'est la bête politique qui démarre le spectacle. Et la vieille rengaine démarre: Dieudo est boycotté, Dieudo n'est plus commercial. Contre les marchands du rire - il égratigne Rozon -, c'est lui, l'artisan de l'humour, condamné à tourner dans un bus tel une vieille catin, qui monte au créneau. Dieudonné fait le sale boulot, mais il est las et prévient le public : il ne fera rire «qu'avec des sujets de merde».

Le féminisme, un impérialisme

Au chapitre de l'humour et de la pensée, Dieudonné tient donc ses promesses. Sandrine est un spectacle qui semble, comme il le dit si bien, «chié en deux jours». Thème central du spectacle: le rapport hommes femmes, qui, comme chacun le sait, a inspiré les plus grands...

Au tribunal, Patrick Boulard est jugé pour l'agression de Sandrine, sa femme. Dans ce procès, Dieudonné est à la fois juge (paternaliste et condescendant), avocat (commis d'office, d'origine africaine) et parti (un alcoolique violent et non repentant). Patrick a déconné : il a assommé sa femme à coups de wok avant de la violer avec un CD de Patrick Bruel (!).

Une fois jugé - et condamné, car, sous-entend Dieudonné, il n'y a pas de justice, les dés sont pipés -, on passe au cirque médiatique. Le féminisme est un impérialisme, démontrent ses experts, campés par ses soins. Les femmes complotent pour dominer le monde, elles forment une «race» à part qui n'hésite pas, à la moindre baffe, à crier «au crime contre l'humanité» et à la «reconnaissance de crimes conjugaux comme crimes contre l'humanité».

En filigrane, réapparaît le monstre politique que Dieudonné est devenu. La provocation est un fonds de commerce sans fond, alors il en remet une couche, dénonce «la stratégie de la pleurniche» du deuxième sexe, qui ne reconnaît pas la souffrance des hommes. En prêtant aux femmes des caractéristiques qu'il prête aux «sionistes», de qui Dieudonné nous parle-t-il vraiment?

Palestine, la dernière chanson - en hommage à Claude Nougaro - répond à tout cela. Dieudonné ne peut plus incarner autre chose que sa propre caricature. En écoutant le public rire à des blagues ressortant les pédés, les juifs et les francs-maçons, en écoutant Pierre Falardeau soutenir qu'il n'y a jamais eu «une once d'antisémitisme» chez Dieudonné, on a alors trouvé à la Petite-Bourgogne mercredi soir un air de France, dans ce que ce pays peut avoir de plus populiste. Ce dont Montréal peut assurément se passer.

Sandrine de Dieudonné, jusqu'à dimanche au Théâtre Corona.