Le grand maître ès contes et complaintes Michel Faubert remonte sur scène pour explorer une fois de plus les liens qui existent entre légende et réalité, fantastique et quotidien, dans un spectacle intitulé Le fantôme dans la télévision et autres récits fantastiques de la vie. Car, sous des allures inoffensives, le loup-garou, les lutins, les jeteurs de sorts et le diable lui-même vivent peut-être près de nous - ou en nous...

Et si les lutins, c'était ce qu'on appelle aujourd'hui des amis imaginaires? Et si le loup-garou, c'était quelqu'un qui portait en lui un lourd secret, un secret si pesant, si réprimé qu'il finirait par exploser et transformer celui qui le porte, pleine lune ou pas? Et si le diable, n'ayant que faire de nos âmes, acceptait plutôt de se faire payer par Interac?

 

C'est en quelque sorte l'avenue, ou plutôt le sentier tortueux exploré par Michel Faubert dans son prochain spectacle, présenté au Studio-Théâtre de la Place des Arts, à compter de jeudi. Un spectacle baptisé Le fantôme dans la télévision et autres récits fantastiques de la vie, justement parce que le fantôme dont il est question a fantastiquement fait partie de sa vie: «En 1965, j'étais enfant, je jouais à la maison et j'ai vu dans la télévision noir et blanc de mes parents un homme qui bougeait étrangement. Ça m'a terriblement fait peur, ça ne ressemblait pas du tout aux émissions pour enfants de la Boîte à surprises, j'étais convaincu qu'il y avait un fantôme dans la télévision!»

Cet homme qui bougeait étrangement, c'était Alexei Leonov, le tout premier cosmonaute à marcher dans l'espace. Les images captées à l'époque montrent effectivement un être à la silhouette bizarre (c'était son scaphandre), en points gris pâle et gris foncé qui sautillent, s'interrompent, reprennent... «On a tous des souvenirs d'enfance et de jeunesse de ce genre, qui finissent par former profondément notre imaginaire, reprend Faubert. Moi, j'ai ce fantôme, mais aussi une danseuse qu'adolescent j'avais rencontrée dans un bar de danseuses et qui m'avait parlé et raconté sa vie, j'étais sorti de là en pleurant à chaudes larmes: elle est devenue le personnage de La vendeuse de rêves, où j'ai mêlé ce souvenir, la légende de la chasse-galerie et celle de la fée des eaux». Le conte de La vendeuse de rêves a vu le jour en 2000, et Faubert le pousse encore plus dans ce nouveau spectacle, où il sera accompagné du multi-instrumentiste Daniel Roy, qui tâte aussi bien de la bombarde que de l'harmonium indien!

Histoires «dérisoires»

«Le légendaire, c'est aussi une histoire toujours perçue comme «dérisoire», poursuit le conteur. Tu parles du diable et les gens sourient. Mais quand, dans mon spectacle, je parle des jeteurs de sorts en évoquant le film Get Them Young de Stan Laurel (de Laurel et Hardy...), ça sourit moins, à un moment donné.» Parce que ce film, c'est ironiquement celui qui était projeté le 9 janvier 1927, au cinéma Laurier Palace, détruit par un incendie où allaient périr 78 enfants d'Hochelaga-Maisonneuve... Ils avaient de 4 à 18 ans, et la mort «got them young»...

Qu'on se rassure: il n'y a pas que du macabre et de l'étrange dans le spectacle de Faubert, il y a aussi des petites histoires courtes parfois charmantes (dont une inspirée par Ronald King!), parfois juste drôles - «fantastiques» à la manière des Denis Drolet, disons!

Entre la tournée des Charbonniers de l'enfer, dont il fait partie depuis la création du quintette a cappella en 1994, l'enregistrement de leur dernier album avec l'ensemble de musique ancienne La Nef et l'enregistrement du précédent avec Gilles Vigneault, Michel Faubert n'a pas chômé - et on ne vous parle même pas de son excellent album solo La fin du monde, réalisé par Jérôme Minière en 2006, album qui m'épate toujours, à chaque écoute. Cela ne l'a pas empêché d'enregistrer le poème de Gaston Miron Je t'écris pour te dire que je t'aime sur l'album Douze hommes rapaillés: «Ça m'a tellement fait plaisir que Gilles (Bélanger, compositeur et instigateur du projet) pense à moi parce que j'ai connu Gaston - et connu intensément. En 1992, pendant le 350e anniversaire de Montréal, on se relayait sur la scène du Vieux-Port, Gaston qui récitait La marche à l'amour et moi qui donnais mon spectacle Maudite mémoire. C'est quelqu'un qui a été important pour moi.» Comme Michel Faubert, conteur et «complainteur» contemporain, est important pour nous.

Le fantôme dans la télévision et autres fantastiques récits de la vie au Studio-Théâtre de la Place des Arts les 8, 15, 22 et 29 janvier, à 20h, et en tournée au Québec en février et mars.