Quatorze ans après les premières Parlementeries, Pierre Légaré, Daniel Lemire et Yvon Deschamps retournent en politique. Ce dernier cède, cette fois, son siège de premier ministre à Lemire. Quel avenir pour le Québec?

Les convictions séparatistes d'Yvon Deschamps ont, plus d'une fois, fait rêver des chefs de parti qui voyaient en lui un candidat idéal pour une élection. Mais le monologuiste n'a jamais vraiment songé à se lancer en politique. «On m'a approché quatre ou cinq fois, affirme Deschamps. Autant au fédéral qu'au provincial.»

 

Chaque fois, il a rapidement décliné les propositions... sauf en 1976. «Le parti qui m'a approché était très insistant, raconte Deschamps. C'était rendu que je laissais tomber le Québec si je ne participais pas aux élections! Pendant trois semaines, chaque matin, une limousine est même venue se garer devant ma porte. C'est la seule fois où j'ai hésité, pour finalement dire non. Je ne suis pas politicien. Je suis plus efficace à faire ce que je fais. La politique est un métier, une passion. C'est aussi un tue-monde, un travail qui accapare six jours sur sept. Cela dit, je n'ai pas refusé pour une question de liberté, mais d'efficacité et d'utilité.»

De patience peut-être aussi. «Une campagne électorale, c'est très long et répétitif. Imagine aux États-Unis! Deux ans! Je comprends pourquoi on finit par se crier des noms!»

Yvon Deschamps préfère faire de la politique pour rire et s'amuser. Quatorze ans après avoir incarné un premier ministre dans les Parlementeries, le voici en chef de l'Action démagogique du Québec, l'opposition officielle du Parti misérable du premier ministre Daniel Lemire. «J'ai participé à deux Parlementeries et j'ai bien aimé ça. J'aime travailler en gang. On a tellement peu d'occasions de se voir.»

Dans les trois premières Parlementeries, chaque humoriste y allait de ses meilleurs gags, concoctés ou non pour l'occasion. On avait davantage affaire à des numéros en solo qu'à un véritable spectacle de groupe. «Je parlais cinq minutes et le reste du temps, j'étais spectateur, note Daniel Lemire. Cette fois, le spectacle est plus théâtral. L'équipe de ministres est plus liée, mais les sujets sont récurrents: l'économie, les problèmes dans les urgences, la réforme en éducation, l'intégration des minorités, l'environnement... Il y a des interventions des premières Parlementeries qu'on pourrait reprendre cette année!»

Savourons à nouveau cette réponse de Lemire, lors d'une conférence de presse de juin dernier, au sujet des priorités de son gouvernement misérable: «Réduire les émissions de gaz à effet de serre, améliorer le système de santé et sortir avec Julie Couillard!»

Pour le reste? Les créateurs se gardent bien de dévoiler même un punch de leur happening!

Depuis avril, en compagnie de l'inséparable concepteur, auteur et metteur en scène Jean-Pierre Plante, Lemire, Deschamps et Pierre Légaré (qui incarnera le président de l'Assemblée nationale) planchent sur le spectacle qui donnera aussi la parole à Jean-François Mercier, Laurent Paquin, Cathy Gauthier, Boucar Diouf, Mario Jean, Guy Nantel, Sylvain Larocque, André Sauvé et Pierrette Robitaille, chef du Blocage québécois. «Sur scène, j'apporterai le gros nerf, la vitalité et l'aplomb», résume la comédienne. Tout cela en portant fièrement la jupe. «Il faut jouer du coude comme de la jambe dans ce milieu!»

C'est que les femmes se font rares dans ces Parlementeries 4. Plus encore que sur les scènes parlementaires fédérale et provinciale! «On en souhaitait davantage», dit toutefois Pierre Légaré. Qui sait, des comédiens ou humoristes mâles porteront peut-être aussi la jupe pour la circonstance!

Pour l'instant, les pensées de Pierrette Robitaille sont avec celles qui se lancent en politique. «Les femmes doivent encore gueuler, pense la comédienne. On dit souvent qu'elles doivent être masculines pour faire ce genre d'emploi. C'est vrai. Elles sont aussi facilement critiquables. Elles font bonne figure au parlement, mais c'est plus dur pour elles.»

Pierrette Robitaille estime toutefois, dans un même souffle, que monter un spectacle comme les Parlementeries au Québec est synonyme d'ouverture et de liberté d'expression. «Avec les Parlementeries, on fait un survol de la politique, constate-t-elle. C'est l'occasion pour les humoristes de parler de quelque chose qui leur tient à coeur. Et c'est sain de le faire. Nous sommes peu sur terre à pouvoir faire une telle chose.»

«Dans beaucoup de pays, on permet de s'en prendre à l'ennemi, aux Américains par exemple au Proche-Orient, poursuit Pierre Légaré. Mais ici, en plus, le fou peut carrément s'amuser aux dépens du roi. Et c'est même attendu!»

On imagine mal un Daniel Lemire se passer de blagues et remarques sur les décisions des politiciens, lui qui en a lancé de bonnes lors du récent spectacle contre les coupes dans les arts du gouvernement Harper. «Heureusement, la campagne électorale fédérale se terminait cette semaine, autrement, les gens auraient eu un haut-le-coeur, croit l'humoriste.»

Inspirant pour un spectacle comme les Parlementeries? «Une campagne électorale l'est, c'est sûr, mais ce qu'on fait est fictif. On ne peut calquer de A à Z la réalité.»

«Disons qu'on est à la politique ce que Les Boys sont au hockey, lance Pierre Légaré. De toute façon, les Parlementeries ne reproduit pas une campagne électorale, mais un gouvernement qui siège.»

Le fait que Jean-Pierre Plante soit le conjoint de la ministre de la Culture Christine St-Pierre pourrait néanmoins injecter un réalisme supplémentaire aux Parlementeries. «Jean-Pierre est effectivement au fait de certains petits détails en chambre, note Yvon Deschamps, mais il ne mêlera pas sa vie privée au spectacle.»

«Nous avons toujours fait notre métier chacun de notre bord. Même à l'époque où Christine était journaliste (à Radio-Canada). Je ne me mêlerai pas plus de sa carrière aujourd'hui. Cela dit, il se peut que, par un soir de folies, j'oublie des textes du spectacle dans le lit de la ministre», avait d'ailleurs lancé Jean-Pierre Plante en conférence de presse, en juin.

Alors, si réalisme il y a aux Parlementeries, ce sera parce qu'on considère qu'une session parlementaire est vraiment drôle en soi!

Les Parlementeries 4, du 28 octobre au 4 novembre, au Théâtre Saint-Denis.

 

Daniel Lemire

Premier ministre et chef du Parti misérable du Québec

Qualités Je sais bien m'entourer... et je délègue.

Défauts Paresseux, pas au courant de mes dossiers et dépassé par les événements.

À qui nous fera-t-il penser? Je vais jouer un premier ministre 9 à 5, peu dévoué, peu passionné. De tels dirigeants, on en trouve plusieurs depuis l'ère Reagan!

Ses ministres Boucar Diouf, Cathy Gauthier, Jean-François Mercier et Laurent Paquin.

Yvon Deschamps

Chef de l'Action démagogique du Québec

Qualités Déterminé et opiniâtre.

Défauts Têtu et ostineux.

À qui nous fera-t-il penser? À moi-même! Je vais prendre ma voix sur scène. J'ai de bons imitateurs, mais je suis un des meilleurs pour m'incarner! Cela dit, si Mario Dumont me voit aller, ça va peut-être l'inspirer!

Son député André Sauvé.

Pierrette Robitaille

Chef du Blocage québécois

Qualité Elle caresse le rêve du fameux pays. Une illusion peut-être, mais elle ne lâche pas.

Défaut Lire ce que j'ai dit ci-dessus, à «Qualité»!

À qui nous fera-t-elle penser?

À Pauline Marois.

Ses députés Mario Jean, Sylvain Larocque et Guy Nantel.

Pierre Légaré

Président de l'Assemblée nationale

Qualités Rigoureux et ponctuel

Défaut Désabusé. Il a toujours été président de l'Assemblée nationale. Pour lui, la politique est un club privé. Si ce n'était pas des électeurs, la politique serait l'fun à faire!