C'est le lancement d'Igloofest ce soir dans le Vieux-Port de Montréal. Samedi, le collectif Night Trackin DJ's viendra dégourdir les oreilles et les jambes des auditeurs hivernaux. Les nuits montréalaises sont un peu plus excitantes depuis l'avènement de ce groupe dont fait partie Jacques Greene, producteur et DJ montréalais qui a réussi l'exploit de se faire remarquer sur la scène électronique britannique avec son premier mini-album, The Look, lancé en décembre dernier.

Il aura fallu jouer du coude pour convaincre le jeune Jacques Greene, 21 ans seulement, de sortir de sa cachette. En échange d'un entretien, pas un mot sur sa véritable identité, ni sur son autre nom de scène, beaucoup plus connu par les clubbers de la ville. Ni sur le nom des soirées courues qu'il pilotait ces dernières années avec ses amis.

«Ce sont deux projets complètement différents, alors, pas besoin de les relier, explique-t-il. Même si, de mon point de vue, les deux sont musicalement similaires - en tout cas dans l'expression de mon appréciation du r&b américain.»

Jacques Greene fait un type de house baptisé «garage», comme dans Paradise Garage, légendaire club new-yorkais où est né ce son, un house coloré par la soul et le r&b. Doucement syncopés, les grooves mélodieux du Montréalais recyclent des échantillons de voix r&b. Le résultat, immédiatement accrocheur, tout en retenue, est un équilibre fragile et réussi entre airs de fête et airs de spleen.

La conjoncture est favorable à l'éclosion internationale d'un talent comme celui de Jacques Greene, reconnaît-il. Le dubstep, dont on parle beaucoup depuis quelques années, «est issu du son 2 step/garage anglais, rappelle le musicien. Mais avec le temps, il est devenu super agressif, avec beaucoup de distorsion et de basses qui ondulent au max. À un moment, des producteurs se sont dit: wo! on s'en va où avec notre truc? On dirait qu'ils reviennent à plus de grooves, de funk et de mélodies».

Précisément là où excelle Jacques Greene, qui a su capter l'attention de deux labels britanniques d'envergure: LuckyMe, de Glasgow, qui a lancé The Look, et Night Slugs, qui offrira son prochain single. Plus tôt cet automne, Greene a participé à un hommage à la chanteuse r&b américaine Cassie; son remix de Must Be Love a récemment été joué par Jamie de The XX, dans un mix exclusif pour la BBC.

Ici, la réputation de l'autodidacte, amoureux de l'électro depuis l'âge de 13 ans («Je m'étais ramassé de l'argent pour m'acheter mon premier MPC», un séquenceur/beatbox) est encore à faire. Tout comme le genre de musique qu'il se plaît à jouer, d'ailleurs, un genre plus influencé par le son américain d'un Todd Edwards que par les dérives de basses fréquences et les tambours secs du son garage anglais (UK Funky) d'aujourd'hui.

«Jusqu'à maintenant, l'intérêt pour le garage est négligeable, ici, convient-il. J'en joue lorsque je fais des soirées house, j'en jouerai évidemment à Igloofest. L'oreille est moins sophistiquée ici dans les clubs... et tant mieux: ça permet au DJ de jouer n'importe quoi. Il n'y a pas d'élitisme.»

Sans prétention

Un trait de caractère des productions montréalaises, justement: «S'il y a une chose qui unit le son d'ici, c'est l'absence totale de prétention. Aussi, on n'a pas peur du mainstream américain», dit ce fan de Top 40 autant que de Carl Craig et Ricardo Villalobos. «J'aimerais bien me mettre à faire plus de techno dans les prochains mois...»

Des prochains mois qui seront occupés, à en juger par l'intérêt que les médias spécialisés commencent à avoir à son endroit - et à l'endroit de certains autres Montréalais tels que l'excellent Lunice, ami de Greene aussi à l'affiche de l'Igloofest ce soir. Lunice vient de lancer un EP fantastique (Stacker Upper), lui aussi sur le label LuckyMe. Le Français dÉbruit et les Britanniques Stanton Warriors complètent l'affiche de ce samedi soir.

Les Night Trackin DJ's (nighttrackin.com) sont également composés des DJ Seb Diamond et Duvall, performeurs autant qu'organisateurs de soirées. En un peu plus d'un an, ils ont invité L-Vis 1990, Martyn, Dam-Funk, CFCF et autres nouvelles étoiles de la scène électro mondiale. Jacques passera aussi le mois de mars en tournée européenne.