Après avoir déjà réuni chants grégoriens et soufis dans un même cadre artistique, la direction artistique du Festival du monde arabe de Montréal souligne son 10e anniversaire en mariant musiques et danses syro-libanaises aux québécoises. On en déduit que l'expression «je me souviens», reprise pour le titre de ce spectacle présenté samedi, éveille cette fois des mémoires croisées.

Joseph Nakhlé, directeur du FMA, a recruté le musicien idéal afin de remplir un tel mandat: élevé à Montréal (sauf un séjour de quelques années en Algérie), Sean Dagher est né de père libanais et de mère écossaise. Le mariage idéal pour le sujet qui nous occupe.

 

Spécialiste des musiques traditionnelles et médiévales, le musicien s'applique entre autres à présenter différents patrimoines dans un cadre de musique de chambre, soit avec la formation Skye Consort qu'il dirige et avec qui il a enregistré quelques albums.

Sean Dagher coordonne la bonne marche de cette rencontre entre les patrimoines impliqués dans le spectacle Je me souviens. Féru de musique traditionnelle syro-libanaise, Sean Dagher fréquente assidûment le folkore musical québécois, qui regorge de composantes celtiques - irlandaises, bretonnes, écossaises.

«Je connais les deux traditions (arabe et québécoise) et je ne suis pas le seul à les connaître au sein de mon équipe. Parmi nous, d'autres s'y sont intéressés et ont aussi fait de la fusion», révèle humblement le directeur musical, qui joue de l'oud syrien et du cistre irlandais.

Du côté québécois, on retrouve Benoît Bourque (accordéon, mandoline, os, chant) et David Boulanger (violon), deux membres actuels de la Bottine souriante, ainsi que Pascal Veillette (harmonicas et podorythmie), Thierry Arsenault (percussions) et Sean Dagher (cistre). Du côté arabe, l'instrumentation comprend l'accordéon, les claviers, l'oud, le ney (flûte), le rek (tambourine) et la darbouka (tambour).

Hybridation de traditions

Parce que ces musiques traditionnelles sont intimement liées à la danse, deux troupes se donneront la réplique: d'origine libanaise, les danseurs de la troupe canadienne Al-Arz (région d'Ottawa) se produiront sous la direction de Tony Yazbek, alors qu'un groupe de danseurs québécois a été réuni pour l'occasion par Véronique Papillon.

Toute hybridation de traditions est un processus délicat, voire risqué. Le directeur musical en est conscient. Comment s'y est-il pris pour arriver à ses fins?

«J'ai commencé par recueillir le répertoire auprès des musiciens québécois, libanais ou syriens que j'ai recrutés. Tous, évidemment, connaissaient bien leurs traditions respectives. Il leur faut donc jouer leurs musiques comme ils les ont toujours jouées. Du côté arabe, par exemple, on reprend des chansons des Rahbani écrites pour la grande chanteuse Fairouz, mais il y a aussi au programme des musiques traditionnelles beaucoup plus anciennes.»

Ainsi, Sean Dagher a choisi des pièces qui pouvaient le mieux s'imbriquer dans un même spectacle.

«Au niveau des rythmes et de l'énergie, ça fonctionnait d'emblée. La danse arabe dabkeh, par exemple, est très énergique, et peut très bien se marier à un reel. En fait, il m'a fallu faire très attention afin que les pièces fonctionnent bien ensemble.»

Quoi qu'il advienne sur scène, on sent ce désir sincère des créateurs de Je me souviens de souligner la compatibilité de l'arabité avec le cosmopolitisme culturel montréalais. Si ce désir se transforme en réalité probante, on pourra aussi dire... je m'en souviendrai.

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Dans le cadre du 10e Festival du monde arabe de Montréal, le spectacle Je me souviens sera présenté samedi, à 20 h, au Théâtre Maisonneuve. Pour infos supplémentaires: www.festivalarabe.com