En tout autre temps, la dernière ligne du communiqué-bilan d'un festival revêt un caractère absolument anodin: «À l'an prochain, de telle date à telle date». Dans l'ordre festivalier historique : Jazz-Rire-Franco.

Or le bilan des 21es FrancoFolies était hier d'une tout autre eau, qui vient chambarder la «trame événementielle» de nos étés en fixant le rendez-vous francofou du 9 au 19 juin 2010. Née à l'automne 1989 avant de virer estivales en 1994, voilà donc «la plus grande fête de la musique francophone» rendue dans la dernière semaine du printemps...

Juste avant le solstice d'été. Une semaine avant le Festival de jazz, qui commencera désormais au lendemain de la Fête nationale.

Et trois semaines avant le bien nommé Festival d'été de Québec, qui s'est toujours opposé à ce que les FrancoFolies (lire Montréal) le devancent au calendrier. Parce que «le père fondateur des festivals occidentaux», avance-t-on, y perdrait de son lustre international.

Voilà donc Québec qui remonte aux remparts. La dernière fois, c'était en 2005 et ça n'avait pas été joli. Il avait été collégialement décidé que les Francos seraient présentées en juin l'année suivante, à cause des Jeux gais (Outgames), qui avaient lieu en août 2006. Alain Simard avait alors demandé une période d'essai d'une autre année, avec étude d'impact, promesse d'arbitrage et tout. Spectaculaire levée de boucliers à Québec: «Ne touchez pas à notre Festival!»

L'affaire avait duré des semaines et s'était réglée au conseil des ministres, la ministre du Tourisme du temps menaçant le festival montréalais de lui retirer sa subvention s'il persistait à vouloir «déménager» en juin... Régis Labeaume y avait été impliqué en sa qualité d'ancien président du Festival d'été; depuis, il est devenu maire de la ville fortifiée.

Mais la donne a changé : les Francos ne parlent plus d'essai; elles s'en vont en juin, point! Avec l'appui renouvelé de Tourisme Montréal. Et du maire Tremblay, appui qui, apprenait-on hier dans les branchailles, a garanti celui, vital, du ministre des Finances, Raymond Bachand.

Au delà des querelles historiques, le problème touche deux aspects de la production des festivals: la programmation et le financement.

À Québec, on argue que des FrancoFolies en juin avec priorité montréalaise sur les exclusivités et les gros noms français réduiront la manifestation québécoise à un statut régional. La preuve n'en a jamais été faite. Pas plus que Spectra, qui n'a toujours vu là que foutaise, n'a prouvé qu'un tel changement n'aurait d'impact sur son «partenaire» de Québec, dont 12 % des visiteurs viennent de la métropole.

Quant au mandat de la chanson francophone, on soulignera, place des Festivals, que les têtes d'affiche du dernier Festival d'été s'appelaient Sting, Placido Domingo et KISS...

La qualité de la programmation, à son tour, garantit un certain niveau de visibilité aux commanditaires qui déboursent des centaines de milliers de dollars justement pour ça: la visibilité.

Notons que les deux festivals tirent des commandites privées entre 40% et 45% de leur budget (FÉQ: 17 millions ; FF: 10 millions).

À Québec, on expliquera encore que les commanditaires de niveau intermédiaire (100 000 $ - 200 000 $), s'ils doivent mettre les deux dans la balance, choisiront l'événement de la Métropole (s'il a lieu avant) qui attirera, c'est la nature même de toute métropole, plus de visiteurs, de touristes et de médias.

Encore des semaines de plaisir... Une petite guéguerre nationale, voilà qui manquait à notre été.

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