Même si Spectra insiste pour dire qu'il s'agit d'une «excellente nouvelle», l'annonce du déménagement des FrancoFolies en juin l'an prochain a été plutôt mal reçue, tant à Montréal qu'ailleurs en province.

«On peut dire que c'est une surprise totale», dit Luc Savard, directeur général du Comité de la Fête nationale à Montréal, qui ne mâche pas ses mots envers la démarche de Spectra, organisatrice des Francos. «Si Alain Simard est incapable de présenter un événement sans déficit, on ne va pas pelleter le problème dans la cour des autres.»

À Québec, le maire Régis Labeaume a aussi dénoncé cette décision «unilatérale». Alain Simard «a fait la pire affaire qu'il pouvait», dit le maire Labeaume, ancien président du Festival d'été de Québec. Le Festival craint de ne plus pouvoir mettre la main sur la «crème des artistes français», qui ne viendront qu'une seule fois pendant l'été, soit à Montréal en juin.

«Les gouvernements ont le dernier mot, dit Régis Labeaume. Ce sont eux qui les subventionnent. Ils vont devoir expliquer à la population du Québec pourquoi ils sont d'accord pour qu'un homme d'affaires, président de Spectra, tire la couverture de son bord et que les autres organisations publiques soient potentiellement dans le trouble. Ça ne fonctionne pas comme ça.»

Le ministère du Tourisme «prend acte» de la décision de Spectra et de la Ville de Montréal, dont il dit n'avoir pris connaissance qu'hier après-midi.

«Les dates de festivals sont déterminées par les organisateurs et les municipalités, dit l'attachée de presse de la ministre Nicole Ménard. Il n'appartient pas au gouvernement ni à la ministre du Tourisme d'intervenir.»

Luc Savard craint que Spectra n'empêche les artistes qu'elle présentera dans des spectacles payants aux Francos de participer à des spectacles gratuits une semaine plus tard à la Fête nationale. Il s'inquiète aussi de l'appui des commanditaires privés. «On en partage plusieurs et je ne serais pas surpris qu'il y ait un réajustement de leur stratégie. La Fête nationale, c'est une journée. Les Francos durent 10 jours.»

Spectra s'engage à ne jamais empiéter sur la Fête nationale, mais Luc Savard est sceptique. «La Fête nationale change de jour dans la semaine et les Francos ont besoin de deux fins de semaine. Je n'y crois pas, je n'ai aucune confiance.»

De son côté, le Festival d'été de Québec a appris la nouvelle avec «consternation», avant de convoquer d'urgence son comité de direction. Le Festival, qui a eu lieu cette année du 9 au 19 juillet, craint de perdre en visibilité dans les médias montréalais et nationaux, selon la directrice des communications, Luci Tremblay.

À cause de la présentation des Francos en juin 2006, le Festival d'été de Québec avait revu sa programmation. «On a dû délaisser un peu le marché francophone», dit Mme Tremblay. La diversification des genres semble toutefois jouer en faveur du Festival d'été: cette année, le spectacle de Sting a attiré la plus grande foule de son histoire. «On ne peut pas dire que ça va mal, admet Mme Tremblay. Mais les risques sont là.»

Tant au Festival d'été de Québec qu'au Festival de la chanson de Tadoussac, les organisateurs déplorent le peu d'attention qu'ils reçoivent des médias montréalais. «Il y a un équilibre dans le calendrier d'été et on avait réussi, en 1993, à trouver notre petite place au soleil», dit Charles Breton, joint à Tadoussac.

Tadoussac présentera son festival 2010 du 10 au 13 juin - en plein pendant les Francos. Charles Breton ne craint pas tant la désaffection des artistes ou du public - même si les Francos ont une «sacrée programmation gratuite qu'on ne peut pas se permettre» - mais plutôt la réaction des commanditaires, qui bénéficieront de moins de visibilité.

Luc Savard est «plutôt surpris» de voir la Ville de Montréal associée à l'annonce: «Elle ne nous a même pas consultés ni avertis.» À Tadoussac, Charles Breton dénonce aussi l'annonce brutale de la décision: «Les Francos présentent ça comme une pittoresque chicane de clocher entre Montréal et Québec. Ils font peu de cas de l'opposition qu'il y a à Montréal même.»

L'idée de concentrer les festivals en juillet - évoquée par Gilbert Rozon de Juste pour rire et qualifiée de «judicieuse» par Spectra - ne suscite pas le même enthousiasme du côté du Comité de la Fête nationale. «C'est de la bullshit, dit carrément Luc Savard. On sait très bien qui tirera la couverture de son bord et qui en a les moyens.»

Gilbert Rozon, joint à Édimbourg, explique avoir «appuyé de bonne foi» la décision de Spectra, qui l'a consulté, même si elle causera des défis techniques pour le montage des scènes extérieures de Juste pour rire. Le déménagement des Francos en juin éloigne, à première vue, la réalisation d'une concentration des festivals montréalais en juillet. «Mais c'est peut-être l'occasion de créer autre chose, et j'ai déjà commencé à y réfléchir.»

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