Presque deux semaines avant les dates officielles du Festival Juste pour rire, c'était hier soir le premier gala au Saint-Denis. Le premier d'une dizaine. Celui de Normand Brathwaite, qu'on n'avait pas vu depuis quelques années au festival. Sympathique, comme toujours.

Crise oblige, les temps sont durs pour tout le monde, même pour Normand, dont on se moque souvent de la fortune (et de l'épuisement professionnel). Les coupes à Radio-Canada ont eu raison de sa populaire émission Le match des étoiles, mais qu'à cela ne tienne, il a ramené son équipe de danseuses et ses musiciennes (il a un petit côté féministe, le Normand) sur les planches du Saint-Denis, hier. Il ne faudrait pas oublier que si Normand paraît pour certains un peu trop «exposé», c'est peut-être l'un des artistes du Québec qui met le plus les autres en valeur.

 

Fidèle à lui-même, oui, encore une fois, il s'est totalement «exposé», c'est-à-dire qu'il s'est déshabillé, travesti, ridiculisé au possible - tout cela pour étrenner les costumes du Match des étoiles qu'on n'avait pas eu l'occasion de voir, a-t-il dit -, mais sur le plan du texte, c'était le strict minimum. Tout pour laisser la place aux invités après avoir réchauffé la salle. Normand Brathwaite est, avant tout, un animateur. Il était aidé de sa famille élargie dans ses sketchs - sa fille, Alain Dumas, Sophie Prégent.

Et son gala tenait beaucoup plus du spectacle de variétés que du spectacle d'humour. Beaucoup de danse, beaucoup de musique, beaucoup de chansons, plusieurs numéros qui se rapprochaient plus du cirque ou de la performance que du solo d'humour, que venaient de temps à autre interrompre des humoristes. Bonne formule ou pas, le public semblait apprécier; il y a eu tant d'ovations debout que les rares qui n'en ont pas eu - bizarrement, surtout des humoristes - devaient se sentir un peu tristounets. De belles réactions pour le magicien «trash» Vincent C., assassin de colombes, pour Charlie Pop, dont la bouche semble pouvoir émettre tous les sons possibles, pour Dominic Lacasse, le célèbre homme-drapeau qui redéfinit à lui seul la «danse-poteau» ou pour Véronic Dicaire, imitatrice de Céline Dion et de Ginette Reno (sur les Plaines, évidemment). Réal Béland a ramené son personnage de Monsieur Latreille, qui fait des insolences au téléphone (il a été démasqué par Irma, 75 ans), Maxim Martin a raconté les stupidités qu'il faisait quand il buvait (il est sobre désormais) et les Denis Drolet... Que dire des Denis Drolet, sinon qu'ils atteignent année après année des sommets dans l'absurdité avec un grand A? Ces gars sont impossibles à décrire et Brathwaite a qualifié leur numéro de «film d'horreur». L'avis d'un spécialiste qu'on seconde.

Réservé pour le dessert, Rachid Badouri a été accueilli en héros. Il a offert au public un extrait de son spectacle à guichets fermés, sa visite dans le village berbère de ses origines. Le tout s'est terminé dans un numéro collectif en hommage à Michael Jackson. Parce qu'on assistait au gala de celui à qui l'Ordre des psychologues a décerné le prix du «Meilleur malade noir du Québec», selon la ministre de l'Immigration, qui a ouvert le spectacle en soulignant que «la meilleure réalisation de Normand a été de démontrer qu'il existe des Noirs qui ne sont pas parfaits».

Ce gala n'était pas parfait, comme Normand, mais c'est comme ça qu'on l'aime.