«Berlin est le centre mondial de la danse», a écrit le sérieux hebdomadaire anglais The Economist en 2006. Et plusieurs raisons expliquent cela. Il y a le foisonnement créatif de la ville, son constant souci d'échanges internationaux. Et surtout, il y a Sasha Waltz, chorégraphe éclectique et visionnaire. La venue de sa compagnie constitue un événement majeur du FTA 2009. Nous l'avons rencontrée à Berlin.

Berlin sur la Spree. Dans la partie est se dresse le Musée juif. Là, entre la grande synagogue au toit d'or et les cours d'artistes devenus lofts luxueux (les Höffen), de petites plaques de cuivre au sol rappellent le nom de ceux qui vécurent là avant leur déportation. Les artistes ont investi la place depuis le début des années 90. Si le 22 mai, on soulignera les 20 ans de la chute du mur, on pourrait aussi bien fêter l'appropriation de Berlin-Est par les artistes qui ont réussi à remplacer la mort, la misère et la honte par l'art.

 

Parmi les créateurs qui ont transfiguré la ville et le quartier juif, il y a la chorégraphe Sasha Waltz, installée rue Sophienstrasse. Sasha Waltz und guests, tel est le nom de sa compagnie fondée en 1993, alors qu'elle est revenue à Berlin, au début de la trentaine, après une formation en Belgique et aux Pays-Bas, et un début de carrière à New York dans les années 80. À la tête de sa compagnie -dont son mari, et père de ses deux enfants, Jochen Sanding, est le directeur général - elle a inauguré des lieux, inventant la danse contemporaine berlinoise, mais aussi, comme elle le rappelle «une expertise en invention de lieux de création avec zéro moyens!»

Parcours atypique

Assise dans la cuisine de ses bureaux, elle boit de l'eau chaude, menue, calme et grave, le regard en éveil. Elle écoute puis répond, avec sérieux, et pour raconter son parcours, elle prend un crayon et dessine une sorte d'édifice sur la feuille, avec des étages, des poutres porteuses, des moments charnières de sa vie et de sa carrière qui forment autant de clefs de voûte. Fille d'architecte qui rêvait dêtre peintre, elle retrace 15 années de création intensive, en constante création avec ses 13 interprètes. Le dessin qu'elle fait pourrait être le plan d'une maison. Elle a bâti tout cela, dans cette ville qui repartait de rien.

«Mon parcours est atypique, dit-elle. Formée à l'ausdrücktanz (la fameuse danse expressionniste allemande fondatrice de la danse contemporaine dès la fin du XIXe), j'ai ajouté toute la post-modern dance new-yorkaise et j'ai troqué la théâtralité contre l'abstraction.» C'est le cas dès le début avec Travelogue I - Twenty to Eight pour cinq danseurs, oeuvre fondatrice qui l'impose. «Mon travail s'inspire des rituels quotidiens et de l'existence aux prises avec la banalité routinière, poursuit-elle, je réfléchis surtout aux rapports entre l'individu et la collectivité, entre l'ici et l'ailleurs, entre hier et demain.»

En 1996, elle inaugure, en place d'une ancienne synagogue, un lieu de représentation, les SophienSälle à Berlin, en face de ses bureaux. Sa danse est lucide. Elle aime les chroniques sociales décalées, comme dans Allee der Kosmonauten (1996) sur la vie en HLM à Berlin, elle concentre son travail sur les corps et ses représentations, avec la trilogie du corps, Körper (2000), S (pour sexe) (2000) et NoBody (2002) présentée dans la cour d'honneur au Festival d'Avignon 2002. En 2005, Sasha Waltz crée son premier opéra, Didon&Enée, dans un immense aquarium au Staatsoper de Berlin. Pour un opéra? «Parce que ça offre un extraordinaire potentiel de créativité.»

Son attachement à l'écologie se traduit dans Na Zemlje (sur la terre) (1998), spectacle franco-russe. Elle quitte les SophienSälle pour la Schaubühne am Lehniner Platz, puis en 2006, migre vers Radialsystem V, nouvel espace pédagogique et de production pour la musique, la danse et les beaux arts, ancien lieu de distribution d'eau qui désormais distribue de l'art. En novembre 2008 elle créait une nouvelle pièce, mais voici que le FTA a réussi à la ramener vers Montréal, où elle était venue dans le cadre du défunt FIND il y a longtemps.

Elle revient avec toute une pièce: Körper, créée en 2000 au Musée juif de Berlin qui ouvrait ses portes. Körper est une onde de choc qui interroge et remue immanquablement le spectateur. Pièce à grand déploiement pour grand plateau qui, comme lle le dit, «donne à voir le corps de l'intérieur, mais aussi dans sa dimension sociale, le corps comme notre lieu commun universel à nous les humains, le corps comme lieu de tous les outrages et des abus autant que des ravissements et de tous les possibles.» Une oeuvre magistrale toujours interprétée par les danseurs qui l'ont créée à l'origine. Sasha Waltz, elle, ne sera pas là. Créatrice et mère, elle réserve ces temps-ci sa présence physique à ses jeunes enfants.

Körper, de Sasha Waltz, les 23 et 24 mai, 20h, à la salle Maisonneuve de la Place des Arts.

SINGULAR SENSATION

> YasmeenGodder

Yasmeen Godder est une des grandes découvertes de la danse mondiale de la dernière décennie, formée aux États-Unis et récemment installée dans la banlieue de Tel-Aviv. Une danse brute, sensuelle, autour du plus court chemin pour aller vers l'autre. Ça va déménager ! A.A.

Du 21 au 23 mai à la Cinquième Salle.

MICROCLIMATS

> Douze équipes de créateurs

Pendant deux soirées consécutives, plusieurs audacieux artistes de la scène (Emmanuel Schwartz, Olivier Choinière, Catherine Vidal, Geneviève Letarte, Les Soeurs Schmutt) squatteront le Monument-National jusque dans ses recoins les plus insoupçonnés. Témoignage de l'effervescence artistique montréalaise, Microclimats est un parcours déambulatoire multidisciplinaire, qui nous fera vivre l'inattendu et l'éphémère.

S.S.

Les 22 et 23 mai au Monument-National.

H3

> Groupo de Rua de Niteroi

Le Brésilien Bruno Beltrão est de ceux qui, comme Victor Quijada, renouvellent le hip-hop, sans en diluer l'éclat ou l'énergie brute. Mise en espace intelligente et réel dialogue entre neuf danseurs. De la danse subtile, mais toujours électrisante!

S.B.

Les 23 au 24 mai à l'Agora de la danse.

BIOBOXES: ARTIFACTING HUMAN EXPERIENCE

> Theatre Replacement

Ces Vancouvérois donnent dans le «théâtre miniature.» Les spectateurs privilégiés qui ont obtenu des billets pour Bioboxes pourront visiter de «cabinets de curiosité» meublés d'objets bigarrés, à l'intérieur desquels leurs seront racontées de petites histoires étranges. Un face-à-face ludique, malheureusement réservé à un public tout aussi miniature: les quelques billets offerts pour chaque spectacles se sont envolés depuis longtemps

S.S.

Du 24 au 26 mai à Espace GO.

STUDIES INMOTION

> Electric Company Theatre

Un photographe, Eadweard Muybridge, se lance dans une tentative de cristalliser le temps, de découper le mouvement en le divisant en minuscules parcelles photographiques. Sur des chorégraphies de Crystal Pite, Studies in Motion est une fresque théâtrale où parole, mouvement et paysage sonore s'entremêlent.

S.S.

Du 28 au 30 mai à la salle D.B. Clarke de l'Université Concordia.

L'ORGIE DE LA TOLÉRANCE

> Jan Fabre

Pourfendeur de toutes les censures, Jan Fabre s'en prend ici aux animaux consommateurs que sont devenus les individus. L'urgence de jouir habite les neuf danseurs agrippés à leurs panier d'épicerie, qui sont englués dans la «pâte lisse de la normalité à tout prix. « Une duel entre beauté et cruauté.

S.S.

Du 25 au 27 mai à l'Usine C.

GRAVEL WORKS

> Grouped'ArtGravelArtGroup

Frédérick Gravel y va d'une nouvelle itération du délirant Gravel Works. Les filles sont jolies, les mecs sexy, la musique décape et la danse déménage. Une folle réflexion sur l'art, sous des airs de concert rock et de conversations de salon.

S.B.

Du 27 au 29 mai au Théâtre Prospero.

RAMBO SOLO

> Nature Theater of Oklahoma

Oubliez Sylvester Stallone: dans cette production de la compagnie new-yorkaise Nature Theater of Oklahoma, l'acteur Zachary Oberzan s'attaque au récit First Blood en entremêlant les détails du roman et ceux de sa version cinématographique. Et pendant qu'il y est, il pimente la pièce d'éléments issus de son propre imaginaire. Incarnant tous les personnages (le shérif Teasle, le guerrier Rambo, les policiers), Oberzan se retrouve seul en scène pour réécrire cette histoire « aussi universelle que Hamlet. «

S.S.

Du 28 au 30 mai à Espace GO.

LE SHOW POCHE

> Et Marianne et Simon

Après le Show Triste et le Show western, voilà que Catherine Tardif crée le Show Poche. Parions que les personnages à fleur de peau qu'elle met au monde dans ses créations seront ici tout aussi attachants et merveilleusement absurdes.

S.B.

Du 28 au 30 mai à l'Agora de la danse.

LE GRAND CONTINENTAL

> Sylvain ÉmardDanse

De la danse contemporaine à la danse en ligne, il n'y a qu'un pas, que franchit sans vergogne Sylvain Émard. Contre toute attente, le chorégraphe de Pluie et de Scènes d'intérieur descend dans la rue, avec une soixantaine de danseurs en ligne, surtout des amateurs. Intrigant...

S.B.

Du 29 au 31 mai rue Emery. Gratuit.

L'OPÉRA PAYSAN

> Compagnie Béla Pintér

Brecht, Emir Kusturica, le cabaret, le théâtre des tréteaux, la fête populaire Cet opéra paysan est une histoire de parents à la recherche d'un mari pour leur fille. On nous l'annonce comme une grande farce qui puise dans la tradition magyare, chez les tziganes juifs, de même que chez les Serbes et Arméniens. Du coup, l'auteur et metteur en scène Béla Pintér en profite pour secouer les puces du théâtre hongrois.

S.S.

Du 29 au 31 mai à Espace GO.

NOT WATER PROOF ET ROUGE

> Julie Andrée T.

La star montréalaise de la performance revient au bercail avec deux créations composées d'actions et d'agrégat d'images insolites. Rouge s'annonce excessive, bouillonnante et foisonnante d'images. À l'opposé, Waterproof livrera une impression de lenteur et d'atemporalité. Dans les deux cas, les poreuses frontières entre les genres seront brouillées.

S.S.

Les 29 et 30 mai, ainsi que les 2 et 3 juin au Monument-National.

BODY-SCAN

> b.l.eux

Que ce soit avec Meg Stuart ou Louise Lecavalier, Benoît Lachambre se nourrit de collaborations. Cette fois, avec la chorégraphe de Vancouver, d'origine malaisienne Su-Feh Lee, Lachambre opère une plongée au creux du corps et de ses désirs. Ici, l'Est rencontrera l'Ouest.

S.B.

Du 30 mai au 1er juin à l'Usine C.

DOULEUR EXQUISE

> Brigitte Haentjens

La metteure en scène Brigitte Haentjens qui crée dans les platebandes de l'artiste visuelle, cinéaste et écrivain Sophie Calle. La rencontre fera assurément quelques flammèches! À ce duo de créatrices fait pour s'entendre, s'ajoute la présence sur scène d'Anne-Marie Cadieux. Avec Douleur exquise, Haentjens s'empare des mots de Sophie Calle en esquissant 35 fois plutôt qu'une le récit d'une rupture. La guérison. Le périple intérieur qui transforme la déception amoureuse en catharsis artistique. Il sera évidemment question de blessures, dans cette création avec laquelle Haentjens nous convie encore une fois dans la pénombre des âmes

S.S.

Du 1er au 5 juin au Théâtre du Conservatoire d'art dramatique.

ÉONNAGATA

> SylvieGuillem/Robert Lepage/Russell Maliphant

C'est la nouvelle aventure de Robert Lepage comme coconcepteur et interprète aux côtés des deux monuments de la danse que sont Sylvie Guillem et Russell Maliphant, avec les costumes d'Alexander McQueen. Autour de la figure du Chevalier d'Éon et de l'onnagata, technique du kabuki, une pièce magnétique partout acclamée. Un incontournable.

A.A.

Du 2 au 4 juin au théâtre Maisonneuve.

NEVA ET DICIEMBRE

> Teatro en el blanco

Le metteur en scène Guillermo Calderon croit en un art qui réconcilie l'intime et le politique. Spectacle en deux temps, Neva et Diciembre réunissent trois acteurs sur scène, qui tentent de dissiper l'illusion théâtrale pour mieux faire entendre l'écho des violences qui cognent à la porte.

S.S.

Du 3 au 6 juin au Théâtre Prospero.

GESTES IMPIES

> Théâtre de la Pire Espèce

Francis Monty signe la mise en scène d'une cette cérémonie baroque en plusieurs tableaux, qui parle d'un désir d'échapper à l'émiettement du sens et de renouer avec l'autre. Le ciel est vide, il n'y a plus de rites de passage pour apprendre à devenir adulte, aimer, expier et mourir. Que reste-t-il ? Des gestes impies.

S.S.

Du 3 au 6 juin à Espace Libre.

DANCE SONGS

> Ame Henderson/Éric Craven

Jeune coqueluche de la danse torontoise, Ame Henderson offre ici une oeuvre enlevante qui joue avec le métissage disciplinaire autour de 12 chansons que nous connaissons pour avoir dansé dessus. La pièce est une parodie de faux concert rock pour trois danseurs qui offre au passage quelques réalités crues de la nature humaine.

A.A.

Du 3 au 6 juin au théâtre La Chapelle.

QUESTO BUIO FEROCE

> ERT-Compagnia PippoDelbono

Delbono convoque Artaud, Pasolini, Emily Dickinson et Joan Baez, dans cette pièce qui parle de l'humanité douloureuse. Sur scène, on retrouvera notamment un clochard schizophrène, un sourd-muet interné et un trisomique, qui défileront dans un étrange carnaval baroque et bigarré.

S.S.

Du 4 au 6 juin à l'Usine C.