Trois Accords et trois ingrédients. Des gars et du gras. Essayez de nous faire avaler que le groupe rock et la poutine ne sont pas faits pour s'entendre... Les produits les plus décadents et délicieux à avoir jailli de l'huile de Drummondville se mélangeront, vendredi et samedi prochains, lors d'un festin à la fois musical et gastronomique. Un premier Festival de la poutine qui pourrait être le début d'une riche tradition. Que les foies et les oreilles se le tiennent pour dit! 

 

Par les temps qui courent, les membres des Trois Accords n'exercent plus les métiers de chanteur, guitariste, bassiste et batteur. Ils sont coordonnateur de la sécurité, responsable des bénévoles, gérant de la restauration, directeur technique et gestionnaire de l'approvisionnement. Ils ne pensent plus à des refrains qui tuent, mais à des bières à commander, des cadeaux de commanditaires à livrer, des chapiteaux à ériger.

Ces vraies bêtes de festivals, dressées et grassement nourries dans les parcs et centres-villes du Québec depuis sept ans, passeront la semaine prochaine de l'autre côté des scènes en pelouse. Ils lèveront vendredi la barrière de leur premier Festival de la poutine, au parc Woodyatt de leur ville natale, où ils souhaitent attirer 10 000 personnes par la panse et par des noms alléchants comme Pascale Picard et Éric Lapointe.

Il n'y a rien de plus important, ces jours-ci, que d'acheter du ketchup, remplir les bonbonnes de propane, appeler le gars du son... Ils font des cauchemars où il tombe des hallebardes et pas un chat ne se pointe...

"Des gens pensent que nous ne sommes que les porte-parole, mais ce n'est pas le cas, précise Olivier Benoît. Nous pensons à ce festival depuis 4, 6, même 10 ans. Et nous ne le lançons pas pour jouer dedans non plus. Nous ne jouerons pas! C'est notre projet. Mais un projet séparé de notre projet musical. Nous le faisons aussi un peu, beaucoup pour Drummondville, qui a perdu, selon nous, bien du lustre culturel depuis notre enfance."

Dans la poutine jusqu'au cou

Ils sont dans la poutine jusqu'au cou. Même les rares concerts qu'ils ont donnés cet été, en Gaspésie, aux Îles-de-la-Madeleine comme à Nominingue, n'étaient pas désintéressés, admet Simon Proulx, qui fait un bien drôle de trésorier: "Nous regardions qui était le fournisseur de toilettes chimiques et quel était le prix de la boisson. Nous ne pouvons plus enlever nos yeux de producteurs."

Au casse-croûte Lowring, ce ne sont donc pas les six loustics gagnants d'un Félix qui piquent les dernières frites croquantes dans le fond de leur assiette, mais six entrepreneurs. La gestion de leur OSBL est une affaire plus sérieuse qu'une chanson qui parle de skeleton ou de cocotiers... Tellement sérieux qu'on craindrait presque qu'ils aient perdu leur sens du canular, si une invitation à un après-midi "jeu de poches et piscine" ne circulait pas entre deux bouchées...

"Pour nous, ce n'est pas nouveau, poursuit Olivier. Nous nous sommes toujours produits. Nous avons produit nos deux albums, des spectacles, des clips. Nous sommes habitués de réunir le monde et de brasser des affaires."

"Le monde qui connaît notre démarche sait que nous sommes capables de mener un projet. Quand tu négocies pour commander 1000 kilos de fromage en crottes, tu es en business comme n'importe qui d'autre", renchérit Charles Dubreuil.

Les Trois Accords ont conclu la tournée québécoise de Grand champion international de course en septembre 2007. Puisqu'il n'y avait, à l'agenda des 12 prochains mois, qu'une tournette en France - à laquelle s'est ajoutée la sortie fortuite du DVD En beau country le printemps dernier - ils ont jugé que le temps était venu de réunir les ingrédients, de faire prendre la sauce, d'apprendre sur le tas de frites.

Répéter la recette

Et qu'en est-il du plat national, dont l'extrait de naissance aurait été rédigé à Drummondville? Eh bien, il servira de défaite et de gueuleton. Dans une tente-restaurant, sept artisans poutiniers, dont le Sherbrookois Mario Patry, qui l'agrémente de foie gras, offriront leurs recettes. "Il n'y a rien de patriotique dans notre choix de s'associer à la poutine. Tous les festivals sont des occasions de se rassembler autour d'un sujet un peu flou. On trouvait que ça manquait, au Québec, un Festival de la poutine."

Tout ce que les organisateurs, exilés à Montréal, souhaitent maintenant, c'est de couvrir leurs frais pour permettre de répéter la recette l'an prochain. À les entendre, ils ont déjà des idées pour les 10 prochaines années.

Et quand ils auront fini de digérer ce premier festival et auront donné leurs deux derniers concerts au Festival de Saint-Tite et à celui de Granby, gavés, ils retourneront à leurs métiers de chanteur, guitariste, bassiste et batteur pour la création d'un troisième album. Mais rien ne presse.

La poutine leur aura bouché un coin...

Le Festival de la poutine, les 22 et 23 août, au parc Woodyatt, de Drummondville; entrée: 17$ par jour ou 23$ pour le week-end. Gratuit pour les 12 ans et moins. Pour connaître la programmation: www.festivaldelapoutine.com