(Lyon) Natalia Osipova est pour le monde du ballet un peu ce que Messi est pour le foot. Cette superstar russe de la danse, à Lyon le temps d’un spectacle, est une véritable « force de la nature », titre d’un récent documentaire sur elle.

Au sommet de son art à 33 ans, cette ex-étoile du Bolchoï, et depuis six ans du Royal Ballet de Londres, est connue pour ses pirouettes à donner le tournis et ses sauts aériens, mais aussi pour son intensité dramatique et son exubérance sur scène.

Osipova est peu connue en France, où elle présente vendredi soir aux Nuits de Fourvière six danses contemporaines. Mais depuis dix ans, la presse internationale l’a sacrée comme l’une des plus grandes ballerines de sa génération, la comparant à des monstres sacrés comme sa compatriote Maïa Plissetskaïa ou la Française Sylvie Guillem.

« Même Nijinsky serait jaloux d’elle », plaisante Natalia Makarova, légende vivante de la danse, dans le documentaire Force of Nature Natalia qui vient de sortir à Londres.

Une danseuse « too much » ?

À la différence des stars des générations précédentes, sa notoriété hors Russie a été au départ portée par le public de son époque : les utilisateurs de YouTube qui sont des centaines de milliers, voire quelques millions à regarder des vidéos d’elle.

« Les réseaux sociaux, c’est à double tranchant », dit-elle dans un entretien avec l’AFP.

D’un côté « on devient plus connu, ça peut amener (les gens) au théâtre. D’un autre côté, je n’aime pas ça, car les gens commencent à faire des jugements basés uniquement sur les vidéos, sans voir le spectacle, donc ils disent “elle ne fait que de la technique”… ils ne peuvent pas apprécier mon talent dramatique », ajoute la danseuse.

Car au-delà de la technique « stratosphérique » selon le New York Times de cette Russe qui a abandonné la gymnastique pour le ballet après des problèmes de dos, c’est aussi sa redéfinition des rôles du répertoire classique, du Lac des Cygnes à Giselle, qui lui a valu d’être encensée par la critique.

Pourtant, son parcours n’a pas toujours été facile, notamment en Russie.

« On ne me considérait pas comme une danseuse idéale. Quand j’étais petite, mon tempérament et mon physique “débordaient”, j’ai toujours été un peu “too much” », explique la danseuse brune.

« Mais avec cette énergie en moi, je ne pouvais pas m’arrêter… et j’avais beaucoup de fans qui considéraient que j’avais amené quelque chose de nouveau, d’intéressant à la danse classique », précise Osipova.

Des fans qui ont créé de multiples pages et forums à « Natacha » sur les réseaux sociaux, mais qui pour certains ont du mal avec son autre carrière : celle de danseuse contemporaine.

Dans le programme Pure Dance, une coproduction du Sadler’s Wells Theatre de Londres qu’elle présente en première française à Lyon, elle danse des pièces de chorégraphes du XXe siècle comme Anthony Tudor, mais surtout contemporains : Ivan Pérez, Roy Assaf, Yuka Oishi ou Alexeï Ratmansky, ex-directeur du ballet du Bolchoï qui a été l’un des premiers à repérer son talent.

« Danser pour moi-même »

Pour Osipova, l’une des rares ballerines à être autant sollicitée par des créations de chorégraphes, il s’agit d’une forme de liberté nécessaire pour son développement comme artiste.

« Je comprends ceux qui ont l’habitude de me voir comme danseuse classique, mais à un moment donné, je ne peux pas m’intéresser uniquement à ce que le public veut. Je danse également pour moi-même et je dois aller de l’avant », souligne-t-elle.

Les danseurs de ballet, et plus encore des étoiles au niveau d’Osipova, ont un entraînement quotidien digne d’un champion olympique. Mais alors que les sportifs, notamment les joueurs de foot, montrent facilement leur douleur en cas de blessure, celle-ci reste encore un tabou dans le milieu de la danse.

« Je me suis blessée à plusieurs reprises et c’était impossible de ne pas le voir (au théâtre). Une fois je suis même sortie en rampant », rit-elle. Mais de manière générale, « nous les danseurs allons jusqu’au bout. On se retient malgré la douleur, car on veut terminer le spectacle », ajoute Osipova.

« Personne n’évoque ses blessures, car il y a une superstition, c’est que si on en parle, ça va empirer ».