Après Je suis un autre (2012), Au sein des plus raides vertus (2014) et La très excellente et lamentable tragédie de Roméo et Juliette (2016), Catherine Gaudet présente Tout ce qui va revient à La Chapelle. Louise Bédard, Clara Furey et Sarah Dell'Ava y exécutent trois solos créés par la chorégraphe, telles trois étapes de réflexion sur le rapport ambivalent de l'interprète avec la performance.

Catherine Gaudet compare volontiers Tout ce qui va revient à un collier de perles. « Chaque solo de femme est unique, mais il y a une continuité dans la création », précise la chorégraphe, qui a été appelée à créer indépendamment ses trois solos entre 2014 et 2015.

« Ils ont été pensés de manière tellement rapprochée dans le temps que c'est comme si chaque solo avait servi de base de recherche au suivant, jusqu'à la résolution de cette exploration dans celui de Louise », confie-t-elle.

Après avoir créé le solo de Louise Bédard, Catherine Gaudet a voulu juxtaposer ces trois chorégraphies nées autour d'un même questionnement sur le rapport entre l'interprète et la performance. « C'est intéressant de les voir comme trois études sur un même thème. Je voulais les voir résonner entre eux, se parler, se répondre », précise Catherine Gaudet, qui a choisi de présenter ces solos dans l'ordre chronologique de leur création.

La chorégraphe place ainsi le spectateur au coeur de sa réflexion, de son ambivalence quant à la performance, pour laquelle elle entretient un sentiment d'amour-haine.

« C'est un peu cette colère sourde qui a besoin d'être camouflée pour se présenter sur scène, un combat envers soi-même, parfois même dirigé vers le spectateur, pour s'affranchir de ses propres insécurités. »

La chorégraphe présentera l'automne prochain une nouvelle pièce pour cinq danseurs, mais elle ne peut en révéler beaucoup plus pour le moment.

« Tout ce que je peux dire, c'est que j'ai franchi une étape avec la maternité. Quand je suis revenue en studio après mon congé, ça a été très déstabilisant, car je ne voulais plus voir les danseurs de la même manière. Cette création sera plus géométrique que les précédentes. Elle n'aura ainsi rien de théâtral ou de relationnel », conclut-elle.

À La Chapelle, jusqu'au 15 mars

TROIS FEMMES, TROIS HISTOIRES

Sarah Dell'Ava

« À la fin 2014, j'ai été invitée à faire partie d'une recherche dans le cadre d'un mémoire de maîtrise à l'UQAM avec une interprète que je n'avais pas choisie : Sarah Dell'Ava. Je sortais d'une période difficile de création et j'avais envie de faire autre chose, de sortir cette espèce de hargne face à la performance. Je devais travailler avec elle sur la question du regard du danseur. J'ai tout de suite été impressionnée par ses qualités théâtrales. On a plongé ensemble et travaillé les différents types de regards de l'interprète face au public. On ne devait pas à la base créer une pièce, mais ça a donné un solo de 25 minutes qu'on aimait toutes les deux beaucoup. »

Clara Furey

« Je devais travailler un numéro destiné à être présenté dans le cadre de Cabaret Gravel à l'Usine C en février 2015. Il y avait un bassin d'artistes avec lesquels on pouvait choisir de travailler. J'avais déjà commencé à travailler avec Clara sur La très excellente et lamentable tragédie de Roméo et Juliette et je voulais poursuivre avec elle dans le cadre d'un solo. C'était assez rapproché de la création [du solo] de Sarah Dell'Ava et d'emblée, j'ai utilisé les mêmes thèmes et les mêmes approches. J'avais envie de creuser la question de l'inconfort de la performance, en explorant toute la palette de talents et de possibilités interprétatives de Clara, y compris sa voix. »

Louise Bédard

« Dans le cadre de Pluton, un projet intergénérationnel dirigé par La 2e Porte à gauche, j'ai choisi de créer un solo pour Louise, que je ne connaissais pas personnellement, mais qui a toujours été quelqu'un qui me fascinait. Avec Louise, c'est vraiment la question de la mise en représentation de soi, du désir d'avoir un moment d'importance face aux autres, en même temps qu'un inconfort que j'ai voulu explorer. Je sentais en Louise cette rigueur implacable qui pouvait lui donner une attitude très intimidante, et je sentais que c'était un terreau fertile pour creuser les questions des insécurités et des failles qu'on peut avoir en montant sur scène, face à sa propre performance. »

Photo André Pichette, La Presse

Louise Bédard

Photo Brianna Lombardo, fournie par La Chapelle

Clara Furey