Le théâtre Bolchoï à Moscou s'est défendu lundi après l'annulation quelques jours avant la première d'un ballet consacré au légendaire danseur Rudolf Noureev, mis en scène par un cinéaste critique des autorités et inquiété en mars dans une affaire de détournement.

La première de ce ballet devait avoir lieu mardi mais le théâtre moscovite a annoncé samedi à la surprise générale son report, suscitant une avalanche de critiques et de nombreuses spéculations.

«En matière de qualité, on s'est rendu compte que c'était mauvais», a déclaré lundi lors d'une conférence de presse Vladimir Ourine, le directeur général du Bolchoï, ajoutant que cette décision a été prise en accord avec le directeur artistique du théâtre, Makhar Vaziyev.

Cette annulation signifie «à l'évidence une perte de réputation, mais la qualité du ballet est plus importante à nos yeux», a-t-il ajouté, précisant que l'équipe du Bolchoï est «complètement abattue».

«Il y avait en effet des problèmes dans ce ballet, mais c'est une chose fréquente, y compris dans des ballets qu'on voit actuellement sur la scène du Bolchoï. C'est pourquoi dans la troupe, personne ne croit que le spectacle a été annulé pour des raisons artistiques. Et personne ne croit vraiment qu'il sera montré un jour», a déclaré à l'AFP sous couvert de l'anonymat un danseur du Bolchoï qui interprétait un rôle du ballet sur Noureev.

Alors que des rumeurs affirment que Vladimir Ourine avait cédé aux pressions des autorités ou a été choqué par le ballet, qui montre des danseurs nus ou travestis, celui-ci a affirmé «qu'il n'y avait aucune autre circonstance» qu'un choix artistique.

Le ballet sera présenté plus tard dans la saison, en mai 2018, a ajouté M. Ourine qui a assuré que les problèmes judiciaires de Kirill Serebrennikov n'avaient rien à voir avec cette décision.

Le ballet a été mis en scène par Kirill Serebrennikov, dont le domicile a été perquisitionné en mai par les enquêteurs russes dans le cadre d'une affaire de détournement présumé de fonds publics alloués entre 2011 et 2014 par l'État à l'un de ses théâtres.

Cinéaste réputé, récompensé en 2016 du prix François Chalais à Cannes pour son film Le disciple, M. Serebrennikov est à la tête d'un théâtre contemporain dont l'audace a parfois suscité les critiques des autorités russes.

Peu de détails sont connus sur le ballet qu'il a mis en scène, et même l'identité du danseur jouant le rôle principal est restée jusqu'à présent secrète. Il est consacré à la vie de Rudolf Noureev, légendaire danseur russe qui a fui l'Union soviétique en 1961 pour trouver la gloire à l'Ouest avant de mourir du sida à l'âge de 53 ans en 1993.