Le Québec et l'Allemagne sont reconnus en danse contemporaine sur la planète. Pas étonnant que des danseurs d'ici et de là-bas tiennent à vivre une résidence artistique de deux mois dans des conditions optimales chez des partenaires de haut niveau.

De Berlin à Montréal

La danseuse croate Jasna L. Vinourski et le chorégraphe français Clément Layes vivent et travaillent à Berlin. Ils ont été accueillis à Circuit-Est à Montréal pendant deux mois, un endroit qu'ils ont adoré. 

« J'ai aimé Montréal avec le temps. C'est une ville qui entre sous votre peau. Avec un enfant, ce n'était pas évident de partir pendant deux mois. Je suis entrée dans le quotidien de la ville et j'aime », explique Jasna.

« Il y a des contraintes sur le plan du travail et du temps de studio ici, mais ça sert aussi à ouvrir d'autres possibilités pour alléger le thème dont je parle dans la pièce. Les salles de spectacle sont très belles, par contre, et les techniciens, excellents. Et on a pu présenter notre travail devant public », ajoute-t-elle.

Une parole engagée

Sa pièce Lady Justice traite, comme le mot le dit, de justice. Il s'agit d'une chorégraphie originale qui se veut le procès d'une oeuvre d'art jugée par un artiste. La justice comme thématique en danse est quelque chose d'assez nouveau. Clément Layes explique que le vide politique européen attire les artistes vers une parole engagée.

« La pièce a pris une direction pas forcément documentaire, mais plutôt ludique face à la justice. Le travail de Jasna n'est pas politique au premier degré. C'est de la performance entre le théâtre et la danse. » 

Celle-ci dit avoir pu se concentrer et travailler dans le calme à Montréal, alors qu'à Berlin « les distractions sont plus nombreuses ». Montréal a permis à Clément, pour sa part, de lire, faire des recherches et rencontrer d'autres créateurs.

« Se promener à Montréal, par exemple, m'a permis de réfléchir beaucoup et pas uniquement pour le travail. Par contre, les artistes ici n'ont pas les mêmes facilités en studio que chez nous. Ça m'a surpris », dit-il. 

De Montréal à Berlin

La chorégraphe Dorian Nuskind-Oder et l'artiste multidisciplinaire Simon Grenier-Poirier ont été accueillis à la Fabrik de Potsdam, en banlieue de Berlin, lors de leur résidence en Allemagne. « C'était singulièrement chaleureux comme expérience d'accompagnement. Ils nous ont facilité les choses », dit Dorian. 

Les deux artistes avaient suivi quelques cours d'allemand au Goethe-Institut avant leur départ. Dorian est une New-Yorkaise qui vit à Montréal depuis 2009, amoureuse de la ville et du milieu de la danse québécois. Simon travaille avec elle depuis quelques années déjà. Ils n'en étaient pas à leur première résidence.

« Nous sommes arrivés là-bas avec des idées embryonnaires et on s'est laissé inspirer par la situation culturelle en Allemagne. On voulait avoir la chance d'ouvrir notre pratique plutôt que d'arriver avec des idées toutes faites », note Dorian.

Inspirant ping-pong

Au départ, ils voulaient parler d'économie, de compétition et de systèmes d'échange. Leur projet inclut désormais une joute de ping-pong et des joueurs qui deviennent des danseurs.

« Il y a beaucoup de ping-pong dans les parcs là-bas. Binarité, ping-pong diplomatique après la guerre, guerre froide, rapidité des échanges... On s'est rendu compte que même le processus pour se rendre en Allemagne était compétitif. C'est devenu très concret, une coopération spectaculaire plutôt qu'une compétition », raconte Simon. 

« Créer différemment »

La vie quotidienne en Allemagne les a déjà changés comme créateurs.

« On sent le poids et l'emprise de l'histoire en Allemagne, dit-il. En revenant ici, j'en suis davantage conscient et ça va m'influencer comme artiste. »

« Vivre là pendant deux mois, ça change notre expérience d'une ville. Juste le fait de changer nos habitudes et d'entendre une autre langue, de vivre à un rythme différent nous ouvrent la possibilité de penser et de créer différemment. On y a rencontré des artistes de partout. Pour moi, déménager à Montréal m'avait aussi permis de me remettre en question. C'est très utile », conclut Dorian.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Simon Grenier-Poirier et Dorian Nuskind-Oder