La danseuse étoile Sylvie Guillem, qui recevait mercredi au Japon l'un des prix les plus prestigieux au monde et fera bientôt dans ce pays ses derniers pas sur scène, a décidé de se consacrer à la défense de l'environnement.

Âgée de 50 ans et reconnue comme une des plus grandes dames de l'histoire du ballet, elle s'est vu remettre des mains de la princesse Hanako, épouse du frère cadet de l'empereur du Japon, le Praemium Imperiale, présenté comme le Nobel des Arts et doté de la généreuse somme de 15 millions de yens (165 000 $).

Et c'est devant un public japonais qu'elle mettra fin en décembre à 39 ans de carrière. «C'est un hasard mais cela a du sens car mon premier spectacle devant un public étranger a eu lieu au Japon», explique-t-elle à la presse.

Elle avait 15 ans et faisait partie d'un groupe de «petits rats de l'opéra qui déambulaient dans les rues de Tokyo avec des yeux écarquillés comme des tartes aux pommes». «Ce choc culturel que j'ai eu avec le Japon m'a beaucoup apporté et j'ai été ravie de recevoir ce prix ici dans un pays que j'aime maintenant depuis 35 ans», dit-elle. Sylvie Guillem a parcouru l'archipel de toutes parts pendant vingt ans, au gré des tournées, prenant le temps d'en rencontrer les artisans, d'en goûter les jardins et le raffinement.

Mais, s'il lui est cruel de déshabituer son corps de la discipline de fer qu'elle lui a imposé, celle qui fut nommée à 19 ans Etoile par Rudolf Noureev et quitta l'Opéra de Paris pour le Royal Ballet de Londres afin de conquérir les grandes scènes internationales, fait fi des regrets. «Je préfère penser aux choses qui me mettent en colère qu'à celles qui me rendent triste», a-t-elle lancé aux journalistes avant de consacrer une bonne part d'une longue conférence de presse à son inquiétude pour la «survie» de la planète.

Le petit colibri qui voulait sauver la forêt

«J'ai une ambition, c'est de sauver le monde mais toute seule je n'y arriverai pas!», dit-elle. Et de raconter une histoire. «C'est la forêt, une forêt qui brûle et tous les animaux sauvages s'enfuient. Il y a juste un tout petit oiseau, le plus petit de la forêt, qui s'appelle le colibri, qui va chercher une goutte d'eau, la prend dans son bec, retourne vers le feu, la crache sur le feu, repart quelque part chercher une goutte d'eau... inlassablement. Certains animaux s'arrêtent, le regardent et lui disent «Que fais-tu? Tu es fou, il faut s'enfuir». Et le petit colibri dit «Je fais ma part»».

«Voilà, j'ai l'intention de faire ma part parce que j'ai réalisé très tardivement que le monde allait très très mal et que l'homme n'avait pas la bonne vision de sa place dans l'équilibre de ce monde», explique la danseuse qui veut contribuer à «faire prendre conscience aux hommes (...) qu'on est en train de détruire cet équilibre».

Elle dit avoir commencé par son propre mode de vie. Devenue végétalienne, elle refuse aussi toute exploitation des animaux pour le cuir, dans des expériences... pour «ne pas participer au massacre» et avance au passage des chiffres sur le nombre d'animaux abattus, la diminution des ressources marines.

Les 15 millions de yens? Ils iront à cette cause environnementale, assure l'artiste déjà connue pour sa mobilisation en faveur d'associations comme Sea Shepherd pour la défense des animaux marins ou Kokopelli pour la promotion de la biodiversité semencière et potagère.

Le Praemium Imperiale, prix décerné pour la 27e année en septembre et remis mercredi, est aussi revenu à l'architecte français Dominique Perrault, à la pianiste britannique d'origine japonaise Mitsuko Uchida, au sculpteur allemand Wolfgang Laib et au graphiste et peintre japonais Tadanori Yokoo. Dans l'art du ballet, il avait été par le passé attribué notamment au Français Maurice Béjart, à la Russe Maïa Plissetskaïa.