Coproduction mexico-québécoise, la pièce À travers la pared a été présentée dans une prison désaffectée au Mexique avant de s'amener sur les planches d'Espace Go. En toute liberté.

À travers la pared («le mur», en espagnol) est un spectacle de danse-théâtre portant sur la liberté. Présenté d'abord dans une prison désaffectée, mais à ciel ouvert, à San Luis Potosí au Mexique, il a été adapté pour un espace fermé, mais libre, à Espace Go.

«Le sujet reste l'enfermement, explique la chorégraphe Élodie Lombardo. Quand est-on vraiment libre? Est-ce qu'on peut transformer les ruines que nous portons à l'intérieur? Quand en serons-nous libérés? Avec cette pièce, on invite tout le monde à voir ses murs intérieurs.»

Élodie Lombardo, moitié des Soeurs Schmutt, et sa jumelle Séverine, qui danse dans le spectacle, en sont à leur deuxième coproduction avec le Mexique après Ganas de vivir (Le goût de vivre), qui a vécu de 2008 à 2013. En tournée, elle avait visité San Luis de Potosí, où le centre des arts a été construit sur les ruines d'une ancienne prison.

«Les cellules ont été remodelées et sont utilisées comme bureaux, et ils ont fait de grands studios pour la danse, le théâtre et la musique. J'y ai senti quelque chose d'intéressant. Il y a une âme dans les murs. On a eu accès aux espaces désaffectés et c'est devenu notre terrain de jeu.»

Les morts et la spiritualité

Les morts et la spiritualité occupent une place importante dans la culture mexicaine. Chez les jeunes danseurs mexicains, moins, quoique...

«On s'est fait sauter dessus! Je ne crois pas aux fantômes, mais ces murs ont des histoires et les interprètes se sont mis à porter des amulettes. Les cellules de la prison étaient chargées d'une telle énergie», a dit Élodie Lombardo.

Dans un pays où des étudiants peuvent disparaître impunément et où la censure s'abat sur certains journalistes, le thème de la liberté est venu de lui-même, dit-elle.

«On était là-bas au moment où l'on déterrait des fosses communes. On a fait une représentation en septembre aussi, au moment où l'on parlait des 43 étudiants disparus. Le décor était tellement vibrant. Ça me touche beaucoup, ce qui se passe au Mexique. Travailler la liberté dans un endroit où on l'enterre, c'est très éloquent.»

Sur scène

Puis Montréal, et finie la prison! Les créateurs ont dû faire leur deuil de ce lieu particulier pour continuer leurs recherches et retrouver l'esprit de la prison en le transposant dans une salle de théâtre.

«Ce n'est pas un nouveau spectacle: on continue de le créer. Ce défi est intéressant. Pour passer d'une source architecturale inspirante où c'est très organique et intuitif, on travaille depuis le mois de février. On ne part pas de rien. On change de lorgnette. Autant on se sentait libre dans une prison, autant on va plus profondément vers nos murs intérieurs. C'est plus psychologique, plus oppressant. C'est un peu un voyage au bout de la nuit.»

Des images des six interprètes - Cristóbal Barreto Heredia, Sarah Dell'Ava, Pamela Grimaldo, Séverine Lombardo, Irma Monterrubio et Eduardo Jesus Rocha - ont été tournées au Mexique dans des ruines et des mines. Elles seront partie intégrante de la scénographie à Espace Go.

«On a gardé des sections très parlantes et on a écarté d'autres moments trop imprégnés de la prison. Les cellules intérieures restent. Le travail se fait à partir des six individus et de six fenêtres. Les spectateurs n'auront pas nécessairement accès aux mêmes fenêtres.»

La chorégraphe se fait tout à coup silencieuse. Non par manque de mots, mais pour conserver l'esprit de ce travail très personnel. Et pour cacher quelques fantômes aussi, sans doute.

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À Espace Go du 1er au 11 avril.