Dès mardi, la Cinquième Salle de la Place des Arts se transformera en un véritable ring de boxe au centre duquel quatre danseurs se livreront à un combat chorégraphique orchestré par Emio Greco et Pieter C. Scholten.

Jeux de jambes, crochets, esquives. On disait de Mohammad Ali qu'il volait comme un papillon et piquait comme une abeille. Les mouvements des plus grands boxeurs s'apparentent en effet à plusieurs égards à ceux de certains danseurs. Pour sa part, Emio Greco s'est aperçu que les déplacements de ces athlètes se retrouvaient au coeur de plusieurs de ses créations.

«J'ai constaté qu'il y avait des points communs entre la boxe et mon style de danse. J'avais déjà dit par le passé que, pour moi, être sur scène était comme être sur un ring: les mouvements, la manière de se déplacer et les pieds des danseurs toujours à la recherche d'un nouvel espace», explique le chorégraphe.

Des similarités qui ne sont sans doute pas étrangères au fait qu'Emio Greco est fils de boxeur. Il se souvient d'ailleurs très bien de la première fois qu'il a regardé avec son père Rocco et ses frères, film du cinéaste italien Luchino Visconti dont il s'est inspiré pour créer ROCCO.

«Je devais avoir 8 ans et on était assis sur des chaises de cuisine très inconfortables. Je n'avais pas tout compris ce film d'auteur à l'époque! Je n'aimais pas la boxe, peut-être en réaction à la carrière de mon père. Mais j'ai toujours voulu être danseur», précise Emio Greco.

À travers ROCCO, Emio Greco décline la gamme des relations entre hommes: ses quatre danseurs deviennent tour à tour au centre du ring des Caïn et Abel, Romulus et Rémus ou encore Laurel et Hardy, abordant autant la quête d'identité sexuelle que l'amour fraternel ou la lutte pour une vie meilleure.

Le chorégraphe transforme la scène en ring de boxe, recréant les ruptures dramatiques et la tension d'un vrai combat de boxe. «Quand on regarde les combats de Mohammad Ali, on a l'impression d'assister à un échange amoureux fait d'attraction et de rejet mutuel, qui se succèdent en une fraction de seconde», souligne Emio Greco.

Au-delà des limites

Cette création se compose ainsi de deux duos au cours desquels les danseurs s'affrontent en plusieurs rounds de trois minutes.

«J'ai fait une relecture de mes anciennes chorégraphies pour articuler les moments qui s'apparentaient le plus à de la boxe. Pendant la création, on a fait des stages avec de vrais boxeurs qui nous apportaient leur éclairage sur la philosophie de la boxe. Le rythme de la chorégraphie est ainsi cadencé comme un combat de boxe», explique Emio Greco.

Les limites physiques des danseurs ont été mises à rude épreuve pendant les répétitions. Malgré les protections, un des interprètes a eu le nez cassé à deux reprises alors qu'un autre a dû quitter le studio en ambulance.

«À un moment, on a presque abandonné le projet, car on n'arrivait pas à trouver la façon d'amener la pièce un peu plus loin», se souvient Emio Greco. «Ça a débloqué quand les danseurs ont commencé à être capables de manipuler la matière inspirée de la boxe tout en créant leur propre langage chorégraphique», ajoute-t-il.

Une intensité d'exécution qui se traduit par l'usure des chaussons de ballet des danseurs, qui durent deux ou trois représentations avant d'être pleines de trous.

À la Cinquième Salle de la Place des Arts du 3 au 14 mars. Durée: 1h05.