Pour souligner son quart de siècle de fondation, la compagnie du chorégraphe Sylvain Émard présente pour la première fois en terre montréalaise sa toute dernière création, Ce n'est pas la fin du monde. Une partition éthérée, ancrée dans l'émotion, pour sept interprètes masculins cherchant à survivre, ensemble, à leur petite fin du monde.

Si le titre évoque la fin du monde, l'ambiance créée sur scène par Richard Lacroix (scénographie) et André Rioux (éclairage) n'a rien d'apocalyptique.

Un nuage de carton, fait d'un assemblage de boîtes de formes diverses, laissant percer ici et là la lumière, couvre les danseurs de son ombrage à la fois rassurant et menaçant. Sous lui, ces derniers évoluent sur une scène épurée, où les projecteurs servent de décor et où la lumière, découpant la scène en formes rectangulaires, habille simplement l'espace.

En complément à cet environnement dénudé, la musique électroacoustique et ambiante de Martin Tétreault accompagne tout (trop?) en subtilité la procession dansée créée par Émard, se résumant parfois à un murmure, un ténu grésillement ou une mélodie lointaine et inachevée de piano, laissant toute la place au geste.

Émotion et fragilité

La table est ainsi mise pour assister à la quête existentielle de ces sept hommes, un groupe où règnent certaines tensions, mais où la fraternité et la solidarité l'emportent dans un monde où chacun cherche sa voie, faite de chemins parfois tortueux.

Dans des vêtements de tous les jours, les interprètes occupent en continu la scène, se retirant tour à tour dans l'ombre, à l'arrière, observant en silence leurs comparses, soutenant leurs regards. Parfois seuls, souvent en duo, parfois en trio ou en groupe, leurs trajectoires se croisent et s'éloignent sans cesse.

L'action, circulaire et vidée de toute tension dramatique, ne s'arrête jamais, sauf en de rares moments où les interprètes se figent dans l'espace, avant de reprendre leur chemin.

Le vocabulaire créé par Émard est ancré dans l'émotion et l'intériorité. Les gestes amples et élancés, les dos arqués et les bras tendus vers le ciel font écho aux tremblements intérieurs de l'individu, qui cherche sa place et ses repères dans un monde parfois étranger. L'axe du corps est ainsi toujours à la recherche de son centre, évoluant sur cette mince ligne entre l'équilibre et le déséquilibre.

Il s'en dégage une impression de fragilité, où la netteté et la précision du geste sont moins importantes que l'élan qui le précède. Une approche qui fonctionne moins bien dans les passages de groupe, plus brouillons et manquant parfois de synchronisme.

Plus réussis sont les moments à deux ou à trois, où un interprète manipule d'une poussée de la main le corps de l'autre, l'entraîne dans son élan, le relève, le projette, le fait tournoyer, même si quelques transitions nous ont semblé laborieuses et inutilement intriquées.

Malgré quelques faiblesses, Ce n'est pas la fin du monde est une oeuvre fort intéressante, réflexive, où on se laisse porter par le ballet de ces corps masculins touchants de fragilité.