Danse Danse entame sa 17e saison avec Soif, nouvelle création d'O Vertigo. Une carte blanche offerte à Ginette Laurin, qui en fait bon usage en retournant aux sources de sa compagnie, qui célèbre son 30e anniversaire: le mouvement, dans son plus simple appareil.

Pièce pour huit danseurs - qui ont tout l'espace pour exprimer leurs couleurs et qui ont participé activement à la création -, Soif se dessine comme une suite de tableaux se fondant les uns dans les autres, liés par une kyrielle de mouvements qui couvrent un large spectre: vifs et aiguisés comme un rasoir, sensuels et lents, incertains, farouches, frénétiques ou figés dans l'espace.

Exercices inspirants

C'est qu'à partir d'exercices que les danseurs ont eu à faire en répétition - gestes banals comme se présenter ou sauter une clôture, par exemple -, Ginette Laurin a extirpé des amorces, des esquisses de mouvements qu'elle a ensuite tissées, comme une courtepointe, en phrasés chorégraphiques qui sont à la fois étranges et familiers, syncopés et fluides.

Sobrement vêtus de pièces à demi transparentes parfois ajustées, parfois aériennes - on voit même poindre un tutu -, les danseurs sont au centre de cette création de 70 minutes, enveloppés par les éclairages particulièrement réussis de Martin Labrecque et le montage musical de Michel F. Côté, qui balance entre habillement sonore minimaliste, composé de chuchotements et de fragments sonores, et musique plus rythmée et fébrile, donnant le ton aux changements d'atmosphères sur le plateau.

Sous de sensuels orangés, dans la pénombre et ses mystérieux clairs-obscurs ou éclairés par un blanc éblouissant qui dévoile tout, les interprètes évoluent, groupe qui se soude et se scinde en solos et trios, mais surtout en duos, pierre angulaire de Soif. L'autre est celui qui attrape en plein vol, un refuge, celui qui donne l'élan dans ce voyage sans fin où sont entraînés les danseurs et dont les relations humaines forment le coeur.

Soif de l'autre, de soi, de comprendre, d'aimer, de s'élancer, soif de tout jusqu'à l'extase effrénée, Laurin bâtit une pièce qui, malgré ses différences de rythmes, n'est jamais tranquille. Actions simultanées s'y déroulent et s'amorcent en contrepoint, forçant le regard du spectateur à errer sans jamais se fixer.

Parsemé de tableaux forts poétiques, comme celui où les danseurs se transforment en lucioles dans la nuit qui tombe sur scène, Soif prouve très certainement qu'après trois décennies, Ginette Laurin est loin d'avoir versé la dernière goutte de sa créativité. Et c'est tant mieux.

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Au Théâtre Maisonneuve jusqu'à samedi soir, dans le cadre de Danse Danse.