So Blue, d'abord présenté dans le cadre de l'édition 2013 du FTA, s'est installé hier pour un retour attendu de trois soirs à l'Usine C. Sur scène, une Louise Lecavalier atomique, bombe d'énergie à retardement contrôlé, offre son corps libéré à la scène, en compagnie du danseur Frédéric Tavernini. À ne pas manquer.

Dès que les lumières se sont doucement éteintes dans un bleu profond virant au noir, découpant les silhouettes de Louise Lecavalier et Frédéric Tavernini, le public s'est spontanément levé. Une longue ovation sentie et bien méritée pour cette oeuvre qui laisse le corps - impétueux, animal, mystérieux - dicter ses propres lois.

La mise en scène est simple pour ce premier essai de Louise Lecavalier - dont la compagnie Fou glorieux a remporté cette semaine le 29e Grand Prix du Conseil des arts de Montréal: un plancher traversé de deux larges bandes blanches changeant selon les éclairages d'Alain Lortie, un mur noir texturé fermant l'espace à l'arrière, des rangées de projecteurs sur pied côté cour et jardin.

Sans cérémonie, sous la lumière vive du préspectacle, Louise Lecavalier entre simplement sur scène, s'immobilise, prête à commencer sa danse nerveuse, syncopée et traversée d'une énergie électrique, voire atomique. Le tout appuyé par la musique techno souvent hyperactive, mais parfois stellaire et atmosphérique, du musicien turc Mercan Dede.

Secouée de la tête aux pieds jusqu'au bout des doigts, elle traverse et retraverse la scène en vitesse, propulsée par ses tremblements. Sur ses deux pieds, au sol, à quatre pattes, sur la pointe des pieds, même sur la tête, Lecavalier laisse ainsi son corps s'exprimer à sa guise, sans le contraindre ni l'intellectualiser. En résulte une danse spontanée, faite de mouvements somme toute simples, exécutés et répétés à pleine vapeur, parfois à peine esquissés.

Si la partie solo souffre de quelques longueurs, certains passages marquent le spectateur, comme celui où l'interprète se retrouve en suspens, la tête en bas, les pieds vers le plafond, flottant dans cette position saugrenue sous un éclairage bleuté et abyssal. Magnifique.

Captivant duo

D'abord solo, la pièce se mue aux trois quarts du parcours en duo, avec l'arrivée du danseur Frédéric Tavernini. Malgré leur différence de gabarit, les deux font la paire parfaite. Imposant à côté de la menue Lecavalier, Tavernini la soulève comme une plume et peut la manier à sa guise, mais sans jamais la dominer.

Le rapport de force, ici, est égal. Tavernini devient le pendant masculin de Lecavalier, offrant une toute nouvelle perspective du phrasé chorégraphique; certaines parties du solo sont reprises pour aussitôt se transformer. Séparés ou liés dans des duos furieux et fluides où les corps deviennent un, ils captent le regard et nous rivent à notre siège. Un seul regret: nous en aurions pris davantage.

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Aujourd'hui et demain à 20 h, à l'Usine C.