Dans Pavement, le chorégraphe Kyle Abraham évoque la vie difficile d'individus qu'il transpose dans son Pittsburgh natal. Un portrait noir et poignant, parfois décousu, d'une réalité où l'aspiration à une forme de libération se heurte à l'oppression et la discrimination.

On dit de la compagnie Abraham.In.Motion qu'elle est la nouvelle coqueluche new-yorkaise. Il est vrai que son fondateur, Kyle Abraham (qui danse également sur scène), se démarque par une approche du mouvement puisant à plusieurs traditions, créant un vocabulaire très personnel, presque identitaire, s'appuyant fortement sur les contrastes.

Croisement de danse contemporaine, ballet classique et danse urbaine, Pavement met aussi en scène le simple quotidien: accolades amicales, violentes bagarres, conversations banales, enlacement amoureux. La danse naît ainsi de la vie, en devient partie prenante. Une danse brute, habitée, mais aussi empreinte de grâce.

Inspiré notamment par la réalité vécue durant son adolescence dans certains quartiers noirs de Pittsburgh en proie aux violentes guerres de gang, Abraham dresse un portrait plutôt sombre d'un monde où la violence semble une fatalité, en utilisant une bande sonore contrastée qui passe sans ciller de l'opéra au gangsta rap, du jazz aux bruyantes fusillades.

Au fil de tableaux qui semblent parfois décousus, dansés sur une scène nue habillée d'un seul panier de basketball servant à projeter des images grises d'immeubles abandonnés, ces sept individus cherchent pourtant à se libérer, par leur résilience, des liens qui les emprisonnent et de leur condition. Mais dans cet univers où l'oppresseur devient l'oppressé, où la fraternité est sans cesse fragilisée, il devient difficile pour eux d'échapper à la dure réalité. Et ils se retrouvent ramenés vers le sol, toujours, face contre le bitume.

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Aujourd'hui et demain à 20h. au Théâtre Maisonneuve.