Interprète majeure de la danse contemporaine des années 70 et 80, Michèle Febvre revient sur scène à l'Usine C dans un solo concocté par Nicolas Cantin, chorégraphe et interprète de la relève. Ça s'appelle Cheese, comme on dit «souriez» avant de prendre une photo.

C'est plutôt un portrait impressionniste qui marie, par touches infimes, sensibles et touchantes, la biographie de l'une et la signature intimiste de l'autre. D'après une idée de Katya Montaignac et avec les éclairages de Frédérick Gravel, cette courte pièce de 35 minutes offre une belle occasion de jeter un pont entre des générations d'artistes, entre différences et filiations.

Est-ce que tu me fais confiance? Ainsi débute le solo où tout repose sur une confiance triangulaire. Entre les deux créateurs d'abord: Nicolas Cantin, assis dans un coin de la scène derrière son écran, et Michèle Febvre, au centre d'une scène dénudée, la plupart du temps debout. Dans pareil face à face, la confiance doit s'instaurer aussi avec le public. Elle s'instaure.

Elle bouge peu. Tout est dans la présence. L'affirmation d'une présence assumée. Belle femme. Visage très expressif. Un corps de femme de 70 ans. Pas mal. Pas mal habité, droit, souple, mû du dedans sans doute depuis toujours, hier comme demain. La réelle réussite de ce solo improbable tient dans la qualité de cette présence, forte mais tendre, juste, légère aussi.

Au départ dissimulés sous un masque de singe et une couverture verte, le visage et le corps se révèlent dans leur singulière humanité derrière ce symbole de notre animalité commune. On y reconnaît la marque Cantin.

Elle parle. Elle s'évoque plus qu'elle ne se raconte. Par bribes qui tiendraient en une ligne. Je suis née pendant la guerre. Mon père ne m'embrassait pas. Ma mère a mis sa robe verte. C'est mon grand-père qui m'a appris à danser. Instantanés de vie dits au micro, ou enregistrés sur une bande sonore avec un grésillement d'un autre temps. Elle déroule son arbre généalogique, celui de sa famille originelle française, et l'autre, sa famille artistique québécoise, choisie. Son histoire et celle de la danse contemporaine se télescopent ainsi. Elles sont inséparables, de toute façon.

Nous ne mentirons plus, dit-elle enfin. Dans Cheese, l'authenticité est au rendez-vous. Cheese, de Nicolas Cantin, avec Michèle Febvre, présenté à l'Usine C jusqu'au 30 novembre, 19h.