Le directeur du Bolchoï, Anatoli Iksanov, a été limogé, a annoncé mardi le ministre de la Culture Vladimir Medinski, une décision destinée à ramener le calme dans le plus prestigieux théâtre de Russie au centre de scandales depuis le début de l'année.

Il est remplacé par Vladimir Ourine, qui était jusqu'à présent directeur du théâtre Stanislavski et Nemirovitch-Dantchenko, une autre scène prestigieuse de Moscou.

Le contrat de M. Iksanov, qui dirigeait le Bolchoï depuis 2000, devait prendre fin en octobre 2014, selon les agences russes.

Le ministre de la Culture a souligné que cette décision avait été prise en raison de la «situation difficile» dans laquelle s'est retrouvé le théâtre moscovite depuis l'agression à l'acide de son directeur artistique Sergueï Filine en janvier.

Attaqué le 17 janvier par un homme qui lui a aspergé le visage de vitriol en bas de son immeuble à Moscou, M. Filine a été grièvement brûlé au visage et aux yeux. Après avoir subi une greffe de peau et plusieurs interventions aux yeux en Russie, il poursuit des traitements en Allemagne, qui n'ont pas permis pour l'heure de lui faire retrouver la vue.

Cette agression a entraîné un scandale sans précédent qui a révélé au grand jour les rivalités féroces et les conflits internes au sein de l'institution mondialement connue.

En juin, le Bolchoï avait annoncé qu'il se séparait de son danseur étoile Nikolaï Tsiskaridzé, en conflit ouvert avec M. Ikasanov et rival de M. Filine.

Ourine, un directeur aux «nerfs d'acier» pour remettre de l'ordre

Vladimir Ourine est un directeur respecté qui a su relancer le théâtre musical Stanislavski de Moscou, et dont les «nerfs d'aciers» seront nécessaires pour remettre en ordre de marche la scène la plus prestigieuse de Russie.

Cet homme de théâtre âgé de 66 ans a dirigé ces 18 dernières années le théâtre musical Stanislavski, dont il a modernisé le répertoire, invitant des stars mondiales comme le chef d'orchestre Marc Minkowski, le metteur en scène Olivier Py et les chorégraphes Jiri Kylian et Nacho Duato.

«Ourine a été un directeur du théâtre remarquable. Il doit avoir des regrets de quitter le Stanislavski, qui est devenu grâce à lui un théâtre de renommée mondiale», a déclaré à l'AFP le critique Alexeï Parine.

«C'est un homme décidé et volontaire, il a été très bon à la tête du Stanislavski mais c'est un théâtre relativement petit qui n'a rien à voir avec l'énorme troupe du Bolchoï et ses ambitions démesurées», a estimé de son côté Vadim Gaïevski, historien du ballet.

«Son objectif est de soumettre à la discipline le ballet du Bolchoï en révolte et qui se laisse aller», ajoute M. Gaïevski.

Il faisait allusion aux derniers scandales, dont le renvoi du danseur Nikolaï Tsiskaridzé qui avait publiquement critiqué la direction du Bolchoï, et le refus soudain de la danseuse Svetlana Zakharova, une star mondialement connue, de danser dans la première du ballet Onéguine à la mi-juillet.

Selon le célèbre metteur en scène russe Marc Zakharov, le nouveau directeur du Bolchoï est confronté à une «tâche extrêmement difficile».

«Il va essayer de tout faire pour rétablir un climat propice à l'éthique dans le théâtre. Je crains qu'il n'y arrive pas tout de suite», a souligné M. Zakharov dans un entretien avec le quotidien Izvestia.

«Ourine est (...) un dirigeant qui a des nerfs d'acier. Il sait tenir le coup», estime Sergueï Khodnev, critique musical au journal russe Kommersant.

«Il a réussi à créer au théâtre Stanislavski une bonne atmosphère pour des gens créatifs. Réussira-t-il la même chose au Bolchoï ? C'est la question», ajoute le critique interrogé par l'AFP.