Dans Love Lies Bleeding, le chorégraphe et directeur artistique de l'Alberta Ballet, Jean Grand-Maître, évoque les hauts et les bas de la vie d'Elton John au rythme de 14 de ses chansons. On sort de ce spectacle la tête remplie des merveilleuses mélodies de la superstar. Dommage que l'énergie dégagée par la danse ne soit pas toujours à la hauteur de cet artiste incandescent.

Love Lies Bleeding a tout l'apanage du glam-rock: les plumes, le strass et le travestissement. Les costumes, signés Martine Bertrand, évoquent joliment les accoutrements baroques d'Elton John. On aime aussi tous ces clins d'oeil au cinéma de l'époque, des voyous de Clockwork Orange, à la signature esthétique du chorégraphe Bob Fosse, en passant par des allusions à l'éphèbe ailé du film Barbarella.

Visuellement, Love Lies Bleeding a tout le clinquant qu'il lui faut. Maintenant, il faudrait que les danseurs de l'Aberta Ballet dégagent! Elton John est un showman survolté, dont même les ballades, au phrasé si particulier, sont électrisantes. Mais ce n'est que vers la fin de Love Lies Bleeding que l'on sent les danseurs réellement fébriles et totalement branchés sur la musique. Sinon, même le menu Yukichi Hattori, personnage central du ballet et double d'Elton John, danse plutôt machinalement (il faut dire qu'il n'a parfois pas grand-chose à faire).

Jean Grand-Maître y va d'un amalgame de danse classique et de jazz, donc, oui, les bassins et les fesses se remuent, le rythme est bien syncopé et les corps jouent sans cesse entre lignes élancées et celles savoureusement baroques si propres à Bob Fosse. Mais les unissons, une grande part du spectaculaire de Love Lies Bleeding, manquaient de précision le soir de la première. Les interprètes les plus sulfureux: Les Demonics, des voyous harceleurs, qui titillent sporadiquement un Elton homosexuel, mais enfermé à double tour dans le placard.

Parmi les tableaux les plus éblouissants: celui dansé sur Rocket Man, baigné dans une constellation de petites lumières, fixées même aux costumes. Là, déjà, la chorégraphie se complexifie, notamment avec toute une série de portés amusants, et les danseurs semblent enfin impliqués. S'ensuivent Mad Man Across The Water et Have Mercy on the Criminal à l'interprétation plus suave. L'arrivée des trois drag-queens (que de tours sur talons vertigineux!) ajoute aussi un brin de folie dans un ballet qui se prend parfois bien trop au sérieux.

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Love Lies Bleeding de l'Alberta Ballet. Jusqu'au 14 avril, à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts.