Après The Fiddle and the Drum consacré à Joni Mitchell, Jean Grand-Maître poursuit sa série de ballets inspirés par des musiciens avec Love Lies Bleeding, créé en 2010 pour les danseurs de l'Alberta Ballet avec la collaboration de sir Elton John. La production de 1,8 millionde dollars consacrée à la musique et aux combats du mythique chanteur pop britannique sera de passage à partir de mercredi soir à la salle Wilfrid-Pelletier.

Il est l'un des chorégraphes canadiens les plus appréciés sur la scène artistique internationale pour sa capacité à revisiter des oeuvres classiques (Cendrillon, Roméo et Juliette) et à métisser ballet et musique populaire. De l'Opéra de Paris au Théâtre de la Scala de Milan, en passant le Ballet national de Norvège ou encore le Stuttgart Ballet, les plus prestigieuses institutions lui ont demandé de créer pour elles de nouvelles pièces.

Directeur de l'Alberta Ballet depuis 2002, le danseur et chorégraphe montréalais de 50 ans est désormais l'un des 50 Albertains les plus influents, selon la publication d'affaires Alberta Venture.

En plus d'avoir signé le défilé lors des célébrations entourant le 350e anniversaire de Montréal, il est le concepteur des cérémonies d'ouverture et de clôture des Jeux olympiques d'hiver de Vancouver en 2010, où il a rencontré Sarah McLachlan et k.d. lang pour qui il a conçu deux ballets inspirés de leurs musiques respectives.

En 2007, pour souligner les 40 ans de sa compagnie, Jean Grand-Maître décide de créer un ballet inspiré de Joni Mitchell. The Fiddle and the Drum sera le point de départ d'une série de ballets inspirés de musiciens, mais surtout la clé de sa collaboration avec Elton John.

« Elton John est un grand fan de Joni Mitchell et lors de son passage à Calgary, il a demandé à avoir un DVD du ballet. Trois mois plus tard, je lui ai envoyé un courriel pour avoir ses impressions, mais surtout pour savoir s'il serait intéressé à ce qu'on collabore. Cinq minutes plus tard, il me répondait en me demandant de venir le voir à Las Vegas», explique Jean Grand-Maître.

Rencontre surréaliste

C'est donc dans la loge de Las Vegas que sir Elton John a reçu Jean Grand-Maître et qu'ils ont défini ensemble les thèmes abordés par Love Lies Bleeding.

« Il s'est assis devant moi avec sa robe de chambre, ses lunettes et sa perruque de scène. C'était assez surréaliste, mais il m'a dit d'emblée que dans sa vie, il s'était surtout battu contre la drogue et la répression de son homosexualité. Ses démons intérieurs l'ont presque tué à plusieurs reprises! Mais contrairement à Whitney Houston ou Amy Winehouse, il a survécu et c'est la simplicité que lui apportent son mari et ses deux enfants qui le rend heureux aujourd'hui. C'est cette histoire qu'on a transposée pour le ballet», précise le chorégraphe de Love Lies Bleeding.

Engagé dans la lutte contre l'homophobie et le VIH, Elton John voit en cette collaboration avec l'Alberta Ballet une chance de plus d'éduquer la population, mais aussi d'amener un nouveau public à s'intéresser à la danse.

Jean Grand-Maître a fait appel à huit concepteurs, majoritairement montréalais, dont Guillaume Lord (ancien du Cirque du Soleil) à la scénographie, Martine Bertrand aux costumes et Pierre Lavoie aux éclairages.

«On a revisité ensemble la vie d'Elton John, des costumes de canard aux incroyables chapeaux, sans oublier les souliers avec des semelles de huit pouces! On est restés dans un univers surréaliste en utilisant une imagerie proche de Magritte, Fellini, Andy Warhol, Dali, et tous les symboles de l'Angleterre, dont Kubrick», précise le chorégraphe.

Les 33 danseurs de l'Alberta Ballet, au style volontairement très androgyne, se moulent dans des esthétiques chorégraphiques différentes au fil des 14 tableaux de la production et évoluent dans un univers où règnent provocation et érotisme homosexuel, à l'image de la flamboyante carrière d'Elton John. Patin à roulettes, haute voltige, danse urbaine, pop, jazz et cabaret parisien s'enchaînent dans ce voyage fortement marqué par le style Broadway de Bob Fosse que fait le danseur vedette, rencontrant divers personnages pour devenir à la fin de sa vie un homme enfin heureux.

Love Lies Bleeding, du 10 au 14 avril, à la salle Wilfrid-Pelletier