Le flamenco est une danse qui transporte l'histoire d'un peuple et de ses tribulations. Avec Autorretrato, María Pagés se sert de son art pour méditer sur son histoire personnelle, de femme, mais aussi d'artiste.

C'est donc un spectacle sobre et introspectif, imaginé pendant qu'elle se ressourçait au Baryshnikov Arts Center à New York, que nous offre l'éminente danseuse de flamenco, avec juste ce qu'il faut de moments de bravoure et d'éclat pour mieux attiser les ardeurs.

Elle est longue, la Pagés, sculpturale, avec des bras angulaires qui n'en finissent plus. Elle n'a pas d'emblée le physique caractéristique de la plantureuse danseuse flamenca. Ni d'ailleurs son éternel air grave.

Dans Autorretrato, au contraire, son visage expressif se fait le plus souvent ouvert et avenant. Ce côté atypique rend María Pagés d'autant plus engageante.

Autorretrato alterne les tableaux où Pagés s'exécute en solo avec d'autres qui mettent en valeur les sept danseurs de sa compagnie, trois femmes et quatre hommes, accompagnés sur scène par deux chanteurs, deux guitaristes, un percussionniste et un violoniste.

La pièce baigne dans une atmosphère onirique. Dès les premiers tableaux, des éclairages en clair-obscur enchâssent les danseurs dans la pénombre et les quelques miroirs qui jonchent la scène nous en renvoient les reflets partiels.

Une première scène de groupe à la symétrie étrange joue de transitions lentes entre les vives danses à l'unisson. Ces extrêmes accentuent notre impression d'être entré au c_ur d'un songe, quelque part entre passé et présent.

Avec doigté, María Pagés, la chorégraphe, module ainsi Autorretrato entre les moments de recueillement en solitaire, empreints de sobriété, et des crescendos qui culminent en de fougueuses explosions de bonheur collectif.

Elle nous entraîne avec elle en studio, où nous serons les témoins privilégiés de ses moments de doute : c'est avec une infinie retenue qu'elle bouge, sans musique, sur la voix et les mots de l'écrivain José Saramago. Au doute se mêlent des éclairs de certitude, qui traversent, et nous le sentons bien, son corps tout entier.

D'ailleurs, dans Autorretrato, si flamenco, l'allégresse côtoie sans vergogne la mélancolie. La chorégraphe nous fait aussi pénétrer dans les coulisses, avec un tableau plus théâtral, mais non moins savoureux que les autres : María Pagés y chante, ou plutôt nous raconte, les joies et les misères de la vie avec sa compagnie, en s'adressant directement au public. Attachant!

En fait, Autorretrato dresse de cette grande artiste un portrait des plus candides.

Ce soir, 20h, à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts.