Avec sa gueule d'adolescent nonchalant et son ironie pince-sans-rire, Frédérick Gravel revendique un «art qui ne sert à rien». Un art inutile comme ultime «acte de résistance», avance l'artiste lors d'une intervention entre deux numéros de Usually Beauty Fails, dont la première a eu lieu mercredi à la Cinquième Salle de la Place des Arts.

Le créateur de Gravel Works a inventé un genre qui a fait de lui, après Dave St-Pierre, la coqueluche du milieu de la danse actuelle. Il propose des «concerts chorégraphiques» au lieu de pièces de danse contemporaine. Véritable touche-à-tout (il danse, chante, fait des éclairages, joue de la guitare et de l'harmonica), Gravel est d'abord un chorégraphe et un concepteur d'objets artistiques déjantés pour sa compagnie, Grouped'ArtGravelArtGroup (bilingue et en un mot!).

Malgré ce beau programme, il ne se passe pas grand-chose dans ce spectacle qui dure près de deux heures. Toutefois. Gravel n'est pas ennuyeux. Au contraire, il y a de quoi se nourrir les yeux et les tympans, avec des musiciens et des danseurs qui carburent sur scène. Et si le spectateur erre dans ses pensées, Gravel le rappelle à l'ordre en lui braquant au visage des projecteurs à pleine intensité!

Au programme, un solo androgyne de Francis Ducharme; des duos explorant le malaise de la sexualité et de l'intimité; un numéro d'ensemble dans lequel Gravel et ses cinq interprètes font de (très) légers mouvements du bassin sur du Vivaldi. La meilleure chorégraphie de la soirée, finement exécutée et qui, avec une gestuelle économe, dégage une belle richesse émotive.

Finalement, il sera peu question de beauté dans Usually Beauty Fails. Frédérick Gravel a tissé une courtepointe de sons, de gestes, de couleurs, mais il n'arrive pas à en tirer une image dominante, forte, ni une vision claire, une proposition solide. Ça sent le (Gravel) work in progress. Les chorégraphies, souvent frontales, faites de lignes brisées et de mouvements en déséquilibre, de dos courbés et de corps «tout croches», parlent davantage de nos comportements étranges que de nos relations de couple ou sociales.

Il y a quelque chose de troublant à voir ces interprètes, jeunes et beaux, s'enlaidir dans une gestuelle plus élastique qu'athlétique; ou ces duos dans lesquels le corps éloigne l'autre au lieu de le rapprocher. Comme si, au bout du compte, le corps ne servait à rien. Sinon à constater qu'on est seul au monde...

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Usually Beauty Fails, jusqu'au 17 novembre à la Cinquième Salle de la Place des Arts.