Grâce à Danse Danse, on peut revoir l'Anglo-Israëlien Hofesh Shecter qui, avec sa dernière création, vient nous secouer dans la foulée de l'ouragan Sandy. Il y confirme son statut de nouvel enfant terrible de la danse britannique, avec une danse unique, puissante, impétueuse et mordante.

Porté par la mise en scène efficace d'une véritable critique sociétale, Political Mother offre aussi un divertissement destiné au grand public. Cet équilibre, improbable, mais réussi, entre la causticité protestataire et la facture résolument d'avant-garde qui fait la signature Shechter. Ça déménage, au-dehors comme au-dedans.

Le design rock, comme la signature chorégraphique, originale, ultra rapide et magnétique, portée par 12 magnifiques interprètes, tout parle délibérément de notre monde, ici et maintenant. Notre pauvre monde sursaturé de violence et d'angoisse. Des éclairages clairs-obscurs de Lee Curran aux costumes signés Merle Hensel, quand ce ne sont pas les uniformes des percussionnistes-fantassins, tout concourt à créer une ambiance de fin du monde, un monde qui se fait hara-kiri, à l'instar du personnage qui ouvre la pièce.

Mais les gens, dans ce monde en perdition, dansent quand même. «Where there is pressure, there is folkdance», annonce sur scène une enseigne en lettres de lumière. La danse communautaire, identitaire, comme réponse à la folle danse macabre du monde? Analyse politique en effet, mais ni verbeuse ni déprimante. Plutôt esthétique et entraînante.

Cette vision gagnerait à être développée cependant, car elle ne décolle pas ici du premier degré. «Oh baby baby it's a wild world» disait la chanson: Shecter nous le donne magistralement à voir et à ressentir dans tous nos sens, mais pourquoi le répéter d'un bout à l'autre de la pièce, sans jamais pousser plus loin?  

Alors, outre la puissance physique, le génie de Political Mother reste surtout dans la musique. Une musique de démiurge, signée Hofesh Shechter, Nell Catchpole et Yaron Engler, qui mêle en une trame d'une singularité envoûtante, jouée live par huit musiciens, le rock, la rave, à la rythmique de la tradition juive et aux sonorités de J.S Bach et de Verdi. Et qui ose finir par une chanson quasi fleur-bleue de Joni Mitchell! Une fin comme un pied de nez à tant de noirceur.

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Political Mother, Hofesch Shecter Company, jusqu'au 3 novembre au Théâtre Maisonneuve.