De retour à l'Agora de la danse, Sarah Chase propose, avec son amie d'enfance et complice de scène Antonija Livingstone, une épopée maritime.

Plus ample, dramaturgiquement plus sophistiquée, beaucoup plus dansée, que les précédentes pièces de Sarah Chase, 1001/train/flower/night est une pièce habitée. Qui porte en elle la plage isolée qui sert d'atelier à ciel ouvert à Chase qui vit sur une île quasi déserte de Colombie-Britannique, ce goût des vastitudes et inspiratrices de voyages au long cours qu'elle partage avec Livingstone. Ce goût des espaces, du vent, de l'aventure vers l'inconnu.

Le goût des étendues et des roches, de la géologie comme aventure humaine, les pères des deux interprètes étant géologues, justement. Comme toujours dans ses pièces, Chase raconte, tisse les mots à sa gestuelle singulière, où les bras, comme des ailes, servent toujours de pivot, et d'arc pour lancer le reste du corps.

Elle et sa complice dans leurs mots évoquent leurs pères, ces figures masculines qui auraient pu être des marins, ou des passagers de train, ou des musiciens, comme le compositeur russe Nikolaï Rimsky Korsakov qui après un long voyage en mer a écrit Shéhérazade, une de ses oeuvres majeures, grandiose. Une oeuvre que Livingstone trouve «monumentalement belle» et qu'elle a ressortie de sa mémoire d'enfance pour suggérer à Chase d'en faire un des axes de leur duo. La musique du coup habite, enveloppe la pièce, tout comme les lumières tamisées et évocatrices de James Proudfoot. Le tout crée un univers magnétique, subtilement envoûtant.

Tout s'emmêle alors dans le récit de Sarah Chase, à la fois poétique, symbolique, cocasse, tissé d'images qui surgissent du passé des interprètes et se mêle à l'évocation de la figure de Rimsky Korsakov, l'homme, l'aventurier, le compositeur, mais aussi celle de Shéhérazade, la reine des stratèges mais aussi, la déesse du récit à longue haleine.

Même si leurs récits sont encore mal arrimés, ce qui est d'autant plus gênant que leurs duos dansés, nombreux, minutieux, saisissent par la finesse des postures à l'unisson, dans 1001/train/flower/night, Sarah Chase et Antonija Livingstone sont des Shéhérazades au long cours. Et on embarque.

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1001/train/flower/night de Sarah Chase et Antonija Livingstone, à l'Agora de la danse jusqu'au 5 mai.