Après Carmen, Toot et Tender Hooks, la chorégraphe néerlandaise Didy Veldman poursuit sa collaboration avec les Grands Ballets canadiens de Montréal et nous offre sa mise en mouvements du mythique voyage initiatique du Petit Prince, le conte poétique d'Antoine de Saint-Exupéry traduit en plus de 250 langues. Un ballet narratif qui sera présenté en grande première à partir du 3 mai sur la scène du Théâtre Maisonneuve.

Près de 69 ans après sa première publication, Le Petit Prince renaîtra sur scène sous les traits de Kenji Matsuyama Ribeiro accompagné de 27 autres danseurs des Grands Ballets, sous la direction de Didy Veldman. La chorégraphe avait 20 ans quand elle a lu pour la première fois cette universelle et intemporelle leçon de vie donnée par le Petit Prince, une petite tête blonde tombée de l'astéroïde B 612, qui protège sa planète en ramonant les volcans et en coupant les baobabs et qui se heurte à l'absurdité de la vie des hommes sur la Terre.

«Ça m'a toujours inspiré de voir que ce conte pour enfants soulève en fait de grandes questions existentielles et j'avais envie de mettre toute cette poésie en mouvement», explique Didy Veldman qui travaille à ce projet depuis plus d'un an et demi.

La pièce se déroule sur Terre, alors que le Petit Prince découvre le monde d'aujourd'hui, offrant ainsi une relecture de nos sociétés.

«Je ne veux pas adapter le bouquin, mais trouver un langage corporel pour certains personnages ou certaines scènes qui me touchaient, sans pour autant tomber dans l'abstrait. J'ai éliminé certains personnages, mais j'en ai également ajouté», précise-t-elle.

«Le Petit Prince vient d'une autre culture et il doit tout à coup s'imprégner du monde de l'Ouest. Changer de culture est une chose incroyable. Quand tu voyages et que tu te retrouves en Afrique ou en Chine, les différences sont importantes. J'imagine très bien un Africain venant d'un petit village dans le désert tomber dans notre société», ajoute la chorégraphe.

Dans Le Petit Prince de Didy Veldman, on ne trouve ni mouton ni renard ni pilote. Les personnages ont été actualisés tout en préservant les grandes thématiques de cette oeuvre de Saint-Exupéry comme l'amitié, l'orgueil ou l'importance démesurée du travail dans notre société.

«Le serpent est le côté noir de notre société et incarne la tentation, alors que la rose est la passion et la première expérience amoureuse. Le businessman n'est pas un personnage, mais un groupe et le roi, un leader que les gens suivent. Je voulais aussi introduire notre préoccupation pour la beauté et l'apparence physique. Saint-Exupéry dit qu'on ne doit pas regarder qu'avec les yeux, mais avec le coeur. Alors, je voulais utiliser ce côté plastique, artificiel, et faire le contraste avec un personnage qui n'est pas tout ça, mais qui veut ressembler aux filles des magazines. L'amitié est surtout exprimée avec le guide, un personnage hybride entre le pilote et le renard», explique-t-elle.

C'est donc une version plus urbaine et actuelle du Petit Prince que Didy Veldman offrira aux spectateurs montréalais, au son de la musique de Kimmo Pohjonen, accordéoniste et compositeur finlandais, à laquelle elle a ajouté un savant mélange de Jean-Sébastien Bach, Morton Feldman et David Lang.

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Le Petit Prince, du 3 au 12 mai au Théâtre Maisonneuve.

LA ROSE : BRYNA PASCOE

Objet de l'amour du Petit Prince, la rose est dansée par Bryna Pascoe. «J'ai grandi aux États-Unis et ce n'est pas une histoire qui fait partie de notre culture. Je ne connaissais pas vraiment l'histoire jusqu'à ce qu'on commence à se pencher sur le ballet, bien que Didy en fasse sa propre interprétation», précise la danseuse des Grands Ballets qui sera entourée d'un véritable champ de roses. «Les mouvements de la rose sont délicats, comme si elle bougeait au gré du vent, d'un côté puis de l'autre. Elle a aussi une facette sensuelle. Mon costume est très simple, et on va y ajouter une sorte de coiffe. Les autres roses auront des couleurs inversées aux miennes», dit-elle.

LE PETIT PRINCE : KENJI MATSUYAMA RIBEIRO

Pour le soliste des Grands Ballets Kenji Matsuyama Ribeiro, interpréter le personnage du Petit Prince marque un tournant dans sa carrière. «J'ai été en arrêt de travail pendant quatre mois, car je m'étais cassé le pied. Didy Veldman est venue à Montréal en janvier et je venais tout juste de revenir au sein de la compagnie. C'est un peu comme une deuxième naissance pour moi!», s'exclame-t-il. Le danseur précise que la chorégraphe n'a pas voulu lui donner l'image d'un petit prince âgé de 6 ans, comme c'est le cas dans le livre de Saint-Exupéry. «C'est très intéressant pour moi de trouver le juste milieu. Il y a une dichotomie entre son côté rêveur, sa candeur enfantine et le poids des choix qu'il doit faire au cours de sa vie, ce qui l'amène à perdre son innocence», précise l'interprète.

LE SERPENT : KARELL WILLIAMS

En quête d'amis à son arrivée sur Terre, le Petit Prince va faire la rencontre du serpent, dansé par Karell Williams. «Didy m'a donné l'imagerie du serpent du jardin d'Éden, dit le danseur. Je soumets le Petit Prince à la tentation avec une pomme. Je m'inspire aussi des tentations du XIXe siècle auxquelles sont confrontés les êtres humains: on fait des choses alors qu'on sait qu'elles ne sont pas bonnes pour nous, mais avec modération, elles peuvent l'être. C'est cet équilibre entre les deux que je représente. Mes mouvements sont très tortueux et demandent beaucoup de contorsions, mais je suis un danseur assez flexible, ce qui m'aide beaucoup dans ce personnage», précise le danseur à propos de ce rôle qui lui demande de danser dans une combinaison intégrale en cuir extrêmement chaude.