La Place des Arts vibre au rythme de la compagnie Alvin Ailey American Dance Theatre, invitée par les Grands Ballets canadiens. La compagnie new-yorkaise, un joyau de la culture américaine, est de retour chez nous après cinq ans d'absence avec un programme électrisant et généreux, qui inclut l'indémodable Revelations et une trame musicale emballante, remplie de jazz, de gospel et de percussions.

Au programme, trois pièces chorégraphiées par Robert Battle, récemment nommé directeur artistique de la vénérable compagnie. Par ailleurs, celui-ci a tenu à commencer et à finir la soirée avec deux oeuvres signées par feu Alvin Ailey, qui fonda la troupe en 1958.

En ouverture, Streams, créée par Ailey en 1970, est le pur produit d'une certaine modern dance. Affects plats, gestuelle géométrique dissociée d'une musique atonale, l'oeuvre détonnerait certes dans ce programme où prime l'émotion si ce n'était de ce pervers motif de l'arc qu'Ailey insuffle aux bras, aux dos et aux torses de danseurs à l'attaque incessante. Étonnamment sensuel...

Les trois courtes pièces signées Battle s'insèrent très bien dans le répertoire de cette compagnie qui loge à l'enseigne de l'émotion et de l'accessibilité. Dans In/Side (2008), Yannick Lebrun, seul en piste, interprète Wild is the Wind chanté par Nina Simone. C'est surtout la finesse du phrasé de Lebrun qui laisse pantois! Vient ensuite Takademe (1999), un amusant flirt, en contre-emploi, entre l'élastique danseur Renaldo Gardner et la rythmique, scandée à voix haute, de la musique indienne.

The Hunt (2001), toujours de Battle, emplit la salle Wilfrid-Pelletier d'une incroyable énergie mâle. Cependant, cette pièce pour six hommes, dansée au rythme assourdissant des Tambours du Bronx, recèle, dans ses menus détails, une énergie ying, toute féminine. C'est dans ces courants contraires que Battle démontre son savoir-faire de chorégraphe.

En finale de programme, Revelations soulève les ardeurs! Cette pièce, créée par Ailey en 1960, évoque avec force la route empruntée par les Afro-Américains, de l'esclavage à la délivrance. Chaque tableau est porté par des chants gospel et des negro spirituals, comme Take Me To The Water ou Rocka My Soul in the Bosom of Abraham. Le duo de Linda Celeste Sims et Antonio Douthit, dansé sur Fix Me, Jesus, est à pleurer de bonheur. Tout l'art d'Ailey transpire dans la façon dont il a su sublimer la puissance vocale et émotive des chants par une gestuelle simplissime, que nuancent avec brio des danseurs passés maîtres dans l'art du phrasé.

L'Alvin Ailey American Dance Theatre, ce soir et demain, à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des arts.