Ce n'est pas tous les jours que la Maison Théâtre accueille des compagnies de danse. Et pourtant, pour Cas public, d'Hélène Blackburn, c'est la deuxième fois. La chorégraphe qui créé depuis 10 ans pour le jeune public est catégorique: les jeunes aiment et comprennent l'univers de la danse contemporaine.

Rarement a-t-on vu des spectacles de danse faire autant «lever» le public. C'était le cas en 2008 lors de la présentation du Cabaret dansé du vilain petit canard. Idem pour Gold, la plus récente création d'Hélène Blackburn inspirée des Variations de Goldberg, de Bach.

Variations S a suivi le même parcours auréolé de succès lors de sa création en 2010 aux Coups de théâtre. Inspirée du Sacre du printemps de Stravinski, la pièce qui ne contient cette fois aucune trame narrative a encore une fois rejoint son public. Plus de 40 représentations plus tard, ici, mais aussi en Allemagne et en France, la voici de retour à Montréal.

Créée par les Ballets russes en 1913, Le sacre du printemps, où une jeune fille est sacrifiée pour satisfaire le dieu du printemps, est l'une des oeuvres mythiques de l'histoire de la danse, explique Hélène Blackburn au cours d'un entretien téléphonique. «C'est une pièce incontournable; c'est la pièce musicale la plus chorégraphiée du XXe siècle. Tous les grands chorégraphes, dont Maurice Béjart et Pina Bausch, en ont fait une adaptation.»

Selon la chorégraphe, la première de la pièce au Théâtre des Champs-Élysées demeure à ce jour le plus grand scandale des arts de la scène contemporaine. «Beaucoup à cause de la chorégraphie de Nijinski, qui avait notamment imaginé un solo qui se terminait par une scène de masturbation, précise Hélène Blackburn. Mais aussi parce que les créateurs ont transgressé les codes du ballet classique. C'était un tournant dans le passage du ballet à la danse contemporaine.»

Plutôt qu'une adaptation classique de ce Sacre, Hélène Blackburn propose un dialogue avec l'oeuvre. «Le compositeur Martin Tétreault a détourné la musique, en faisant entendre aux jeunes ce qu'il y a de contemporain dedans, explique-t-elle. Martin a donc intégré aux airs du Sacre de la musique électronique, des échantillonnages et des boucles musicales. Il a vraiment pris la musique et il l'a propulsée 100 ans en avant, pour montrer ce qu'elle nous fournit comme matière aujourd'hui.»

Le volet danse, très athlétique, est tout aussi moderne. «Il y a beaucoup de force, d'énergie et d'impulsivité, précise la chorégraphe. Ironiquement, l'oeuvre originale niait le ballet et les pointes. Nous, on en a rajouté. C'est donc devenu à la fin, une discussion solide avec cette oeuvre majeure. Le thème tourne autour de l'élue sacrifiée, qui est interprétée par un homme dans notre pièce, mais il n'y a pas de narration. C'est une heure de danse, sur le thème du printemps, qui symbolise bien sûr toute la passion de l'adolescence.»

Depuis sa création, les jeunes adorent la pièce, confie la chorégraphe. «Ils comprennent et ils ressentent les danses urbaines. Ils reconnaissent l'exigence et le dépassement de la danse. Et ils sont capables de vivre une expérience espace/temps différente. Ils ont souvent beaucoup moins de préjugés sur la danse que les adultes. Cette ouverture-là a aussi un impact énorme sur les garçons, de plus en plus nombreux à danser. Ils ont d'ailleurs une approche très athlétique, proche du cirque. Ce qui me fait beaucoup plaisir à voir.»

Variations S, Hélène Blackburn y a pensé longtemps, mais une fois l'angle trouvé, tout s'est passé très vite. «Je travaille très rapidement, dans un laps de temps très court. Pour moi, une création c'est comme écrire une lettre. Si je la conserve trop longtemps, je vais repartir ailleurs, je vais prendre trop de pistes différentes. Il faut que ça sorte d'un coup. Pour Variations S, en deux semaines, nous avions 40 minutes du matériel final.»

Variations S, à la Maison Théâtre du 1er au 10 février. Pour les 13 et plus.